Sur Matthieu 5, 17-37
Gagne ton frère
Saint Augustin
Sermon 82, OC 16, chapitre 3, p. 586s

Nous devons reprendre nos frères par amour, non par désir de leur nuire, mais par zèle pour leur amendement. Si tels sont nos sentiments, nous pratiquons fidèlement cette recommandation qui nous est rappelé aujourd’hui : Si ton frère a péché contre toi, reprends-le entre toi et lui-seul. Pourquoi le reprendre ? Est-ce parce que tu es peiné d’avoir été offensé par lui ? Dieu t’en garde ! Si tu fais cette remarque pour te faire plaisir, tu ne fais rien ; si tu la fais par amour pour ton frère, ton action est excellente. Distingue dans ces paroles évangéliques par quel principe tu dois agir : pour amour pour toi ou par amour pour lui ? S’il t’écoute, dit le Sauveur, tu auras gagné ton frère. Agis donc dans l’intention de le gagner. Mais si tu le gagnes en remplissant ce devoir, c’est que sans toi il était perdu.
Qui de nous, frères, ose espérer le Royaume des cieux lorsqu’il entend ces paroles de l’Evangile : Celui qui traitera son frère de fou sera condamné au feu de l’enfer ? Quel sujet d’épouvante ! Mais voici que la suite de cet évangile nous rassure : Si tu présentes ton offrande à l’autel et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse-là ton offrande devant l’autel. Dieu ne se mécontentera pas de ton retard à présenter ton offrande, c’est toi qu’il cherche plutôt que ton offrande. Si tu te présentes devant Dieu avec ton offrande le cœur plein de haine contre ton frère, il te répondra : Tu es mort, que peux-tu m’offrir ? Tu me présentes ton offrande, et toi tu n’es pas une offrande agréable à ton Dieu ! Le Seigneur désire bien plus ce qu’il a racheté de son sang que ce que tu tires de ton grenier. Laisse-là ton offrande devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère ; lorsque tu en reviendras, alors tu offriras ton offrande.
Mais, hélas, on se laisse aller facilement aux offenses contre le prochain, et quelles difficultés nous avons pour rétablir la paix et l’union. Demande pardon à cet homme que tu as blessé, offensé. Je ne m’humilierai pas, répond le coupable. Si tu dédaignes ton frère, écoute au moins ton Dieu : Qui s’abaisse sera élevé. Tu ne veux point t’humilier, tu t’es laissé tomber. Quelle différence entre un homme qui s’humilie et celui qui est tombé ! Tu es tombé, pourquoi ne cherches-tu pas à t’humilier ?