Sur 1 Corinthiens 11, 2-16
L’être humain devant le Seigneur
Saint Jean Chrysostome
Homélies sur les deux lettres aux Corinthiens, OC 17, p. 43s

En commençant cette lettre, l’Apôtres disait : Toutes choses sont à vous, vous êtes au Christ et le Christ est à Dieu. Quoi donc ? Est-ce de la même manière que toutes choses sont à nous, nous au Christ, et le Christ à Dieu ? Assurément non ; mais la différence est manifeste pour les esprits même les moins clairvoyants, quoique la même parole soit dite de Dieu, du Christ, et de nous. Dans une autre lettre, ce principe posé, que l’homme est la tête de la femme, Paul poursuit ainsi : Comme le Christ est la tête, le Sauveur et le Protecteur de l’Eglise, l’homme doit l’être aussi de sa femme (Ephésiens 5, 23-24). Faudra-t-il tout entendre de la même façon, et dans ce passage, et dans tout ce que renferme sur le même sujet la lettre aux Ephésiens ? Loin de nous cette pensée, cela n’est pas possible. Si les expressions sont identiques, qu’il s’agisse de l’homme ou de Dieu, ce n’est pas dans le même sens évidemment qu’il faut les comprendre. Il ne faudrait pas non plus n’y voir rien de commun, car alors elles paraîtraient lancées au hasard et sans but, nous n’en retirerions aucun avantage. Si tout ne doit pas être appliqué, tout ne doit pas être rejeté. Je m’explique, et pour rendre cela plus clair, je prends un texte en particulier.
Le Christ est appelé la tête de l’Eglise. Si rien dans ce mot n’est emprunté de la nature humaine, pourquoi donc est-il dit ? Si, d’un autre côté, je veux trop urger la comparaison, je tombe dans des conséquences absurdes, puisque la tête est soumise aux mêmes infirmités que le corps, et en subit toutes les misères. Que prendrons-nous et que laisserons-nous ? il faut adhérer à l’unité parfaite, à la première cause, au premier principe ; et cela, non dans la signification ordinaire, mais dans un sens supérieur et digne de Dieu, l’unité la plus inaltérable, le principe le plus élevé. Vous entendez encore prononcer le nom de Fils : n’acceptez pas non plus tout ce que ce nom emporte, ne rejetez pas tout, prenant uniquement ce qui convient à Dieu, la consubstantialité, l’identité de nature, laissez tomber à terre tout ce qui répugne à la divinité, ce qui tient à la faiblesse humaine. Dieu est appelé lumière : lui devons-nous donc appliquer tous les caractères de cette lumière qui frappe nos yeux ? Assurément non. Celle-ci est circonscrite par les ténèbres et l’espace, elle est mue par une force étrangère, et remplacée par la nuit. Rien de pareil ne doit être supposé dans l’essence divine. Gardons-nous cependant de tout rejeter : nous trouverons certes quelque chose d’utile et de vrai dans cette comparaison, l’illumination qui nous vient de Dieu, le bonheur d’être affranchis des ténèbres.