sur Hébreux 9, 11-28

Le sang de l’expiation

 

Père Pierre Grelot

Une lecture de l’épître aux Hébreux, Sacerdoce et sacrifice du Christ, p. 83

 

Pour interpréter la mort sanglante de Jésus comme sacrifice d’expiation, l’auteur de la lettre aux Hébreux va opérer une interprétation figurative du rituel attaché à la fête des Pardons. Ce texte, très dense, tire la conclusion de tout le développement en établissant implicitement un parallèle entre le rite de la fête des Pardons où le grand-prêtre, une fois par an, entrait dans le sanctuaire en y introduisant le sang des animaux consacrés pour obtenir le pardon des péchés commis par lui-même et par le peuple, et l’acte du Christ qui est entré dans le ciel avec son propre sang pour abolir le péché par le sacrifice de lui-même. Sa mort en croix, advenue une seule fois comme celle de tous les hommes, ne fut pas un accident imprévisible : elle était une offrande de soi-même pour les péchés d’un grand nombre. Le verbe employé ici est celui de l’oblation sacrificielle. L’expression fait donc allusion aux dispositions intérieures de Jésus au moment de sa mort en croix : il a fait du don de sa vie une oblation sacrificielle présentée à Dieu pour les péchés d’un grand nombre. Cette expression, reprise d’Isaïe (53,12), visait primitivement le Serviteur souffrant, anonyme dans tout ce passage. Jésus se l’est approprié comme le montrent les paroles prononcées par Lui sur la coupe pendant son dernier repas : Ceci est mon sang versé pour un grand nombre. Si l’on se rappelle que, dans l’Eglise apostolique, la célébration du repas du Seigneur était l’acte liturgique essentiel, on est frappé par la coïncidence des formules. La lettre aux Hébreux ne raconte pas la célébration de ce repas, mais elle retient la formulation qui, dans les paroles de Jésus, définissait le sens de sa mort et de son sang versé.

L’interprétation sacrificielle de la mort en croix est ainsi transfigurée pour ouvrir un espace à l’espérance chrétienne. Non seulement le péché est aboli, mais il n’est plus question d’en garder la hantise. Il fait l’objet d’une véritable abolition, en raison du sacrifice de lui-même que le Christ a réalisé en acceptant la mort par solidarité volontaire avec les pécheurs. On ne saurait mieux expliquer la façon dont il a réalisé la rédemption. Avec ce développement, l’auteur a rempli son programme. Il ne lui reste qu’à en tirer une conclusion.