sur Hébreux 10, 1-10

« Tu m’as façonné un corps »

Saint Augustin

Discours sur les psaumes, tome 2, psaume 39, 12, p. 607s

 

Tu n’as voulu ni sacrifice, ni offrande, dit à Dieu le psalmiste, cité dans le passage de la lettre aux Hébreux que nous avons entendu. Dans l’ancienne loi, quand le véritable sacrifice connu des fidèles nous était annoncé par des figures, on célébrait alors les figures de l’avenir : beaucoup en comprenaient le sens, mais beaucoup plus l’ignoraient. Or il arriva que le premier sacrifice fut aboli, que disparurent ces holocaustes de béliers, de boucs, de taureaux et d’autres victimes ; Dieu n’en voulut plus. Pourquoi n’en voulut-il plus ? Pourquoi d’abord en avait-il voulu ? Parce que tout cela n’était que comme une promesse de Dieu ; or, quand on a donné ce que l’on a promis, les paroles de la promesse ne sont plus rien. Un homme est engagé par sa promesse jusqu’à ce qu’il l’ait tenue ; quand il l’a accomplie, il change alors de langage. Il ne dit plus : Je donnerai, ce qu’il promettait de donner ; mais bien : J’ai donné ; l’expression est changée. Pourquoi cette expression a-t-elle été d’abord agréable à Dieu, et pourquoi l’a-t-il changée ? C’est que cette expression était celle de son temps, et qu’elle lui a plu selon l’époque. Elle était d’usage dans le temps des promesses, mais quand les promesses ont reçu leur accomplissement, alors les expressions promissives ont disparu pour faire place au langage de l’accomplissement. Donc ces sacrifices, qui étaient le langage de la promesse, ont disparu. Qu’a-t-on donné pour les accomplir ? Ce corps que vous connaissez, mais que les catéchumènes ne connaissent pas ; et plaise à Dieu que vous qui le connaissez, ne le connaissiez point pour votre condamnation ! Soyez attentifs, car c’est le Christ, Notre Seigneur, qui parle, tantôt dans ses membres, tantôt par lui-même : voyez en quel temps il est dit : Vous n’avez voulu ni des sacrifices, ni des offrandes. Qu’est-ce donc ? Sommes-nous présentement abandonnés sans sacrifice ? A Dieu ne plaise. Vous m’avez donné un corps parfait, poursuit le psalmiste. C’était pour donner la perfection à ce corps que vous n’avez plus voulu de ces offrandes ; vous les avez agréées avant que mon corps fût parfait. L’accomplissement des promesses a supprimé le langage primitif. Si l’on emploie en effet les paroles de la promesse, c’est que cette promesse n’est pas accomplie. Cette promesse était exprimée par des signes ; les signes ont disparu quand s’est montrée la vérité promise. Nous sommes dans ce corps, nous en faisons partie : nous savons ce que nous recevons ; et vous, les catéchumènes, qui ne le savez pas encore, puissiez-vous l’apprendre, et quand vous l’aurez appris, puissiez-vous ne pas le recevoir pour votre condamnation ! Car celui qui mange et boit d’une manière indigne, mange et boit son propre jugement. Ce corps est parfait pour nous, devenons parfait dans ce même corps.