Sur Deutéronome 29, 1-5 . 9-28
En route pour le désert
Saint Augustin
Les sept livres des questions sur l’Heptateuque, OC 8, p. 33s

Vous avez vu tout ce que le Seigneur a fait sous vos yeux au pays d’Egypte. Comment donc Moïse peut-il leur dire : Vous avez vu les grandes plaies dont vos yeux ont été les témoins, si le Seigneur ne leur a point donné des yeux pour voir et des oreilles pour entendre ? C’est qu’ils ne les ont vues que des yeux du corps et non des yeux du cœur, car le cœur aussi a des yeux. Voilà pourquoi Moïse commence par leur dire : Et le Seigneur ne vous a point donné jusqu’ici un cœur qui eut de l’intelligence, et ce qui suit n’est que le développement de ces premières paroles : et des yeux pour voir et des oreilles pour entendre, c’est-à-dire l’intelligence et l’obéissance. Or, il ne leur ferait ni un crime, ni un reproche que le Seigneur Dieu ne leur ait point donné ces deux grâces, s’il ne voulait nous faire entendre qu’il y a ici de leur faute, et qu’aucun d’eux ne doit se croire excusable. Il nous apprend en même temps que, sans le secours du Seigneur Dieu, ils ne peuvent ni comprendre ni obéir des yeux et des oreilles du cœur. Et cependant l’absence de secours divin n’est point une excuse pour leurs fautes, parce que les jugements de Dieu sont justes quoique secrets.
Et Dieu vous a conduit jusqu’ici dans le désert pendant quarante ans : vos vêtements se sont conservés, et les souliers qui sont à vos pieds n’ont point été usés pendant ce temps. Vous n’avez ni mangé de pain et vous n’avez bu ni vin, ni cidre afin que vous sussiez qu’il était le Seigneur notre Dieu. Nous voyons par là que les Israélites, à leur sortie de l’Egypte, n’ont pu emporter avec eux dans leurs bagages que la quantité de vin qu’ils pouvaient consommer en quelques jours, car s’ils n’avaient absolument rien emporté, comment expliquer ces paroles : Le peuple s’assit pour manger et pour boire, et ils se levèrent ensuite pour jouer (Exode 32,6). En effet, il ne s’agit pas ici de l’eau que le peuple aurait pu boire, car les paroles de Moïse indiquent clairement que cette locution exprime ici, non pas le cri de personnes qui s’excitent à combattre, mais les chants et les réjouissances d’un festin.