sur Deutéronome 31, 1-15 . 23
Passation d’autorité
Stéphane Encel
Josué, premier conquérant de la Terre Sainte, p. 69s

Acceptant la demande de Dieu, Moïse fit appeler Josué : il est l’homme qui est dans l’ombre pieuse depuis bien des années, depuis sa jeunesse ; celui qui a toujours été fidèle, parfois même très naïvement, celui qui a été le plus honnête jusqu’à risquer sa vie lors du raid d’exploration en terre de Canaan ; celui qui est monté au Sinaï et fut ainsi associé aux commandements divins ; celui qui n’a été corrompu par rien, au contraire d’Aaron au moment du Veau d’or, et n’a commis aucune faute. En plus du rôle auprès de Moïse comme « serviteur », il avait sur lui « l’esprit » de Dieu. La fameuse rouah, le souffle, est fonctionnelle : c’est réellement le souffle qui sort des poumons, mais également le souffle qui anime tous les êtres vivants, ce qui ramène immanquablement à Dieu et crée un lien indéfectible, car c’est bien Dieu qui donne à l’homme ce souffle, donc cette vie, et qui l’accompagne jusqu’à ce qu’Il décide de le lui retirer. Tu leur retires la rouah, ils expirent, à la poussière ils retournent. Tu envoies ta rouah, ils sont créés et tu rénoves la face de la terre.
Mais alors que l’esprit était toujours sur Moïse, ce n’est pas le cas avec Josué rempli de la rouah de sagesse, car Moïse lui avait imposé les mains. Dans un cas, pour Moïse, la rouah précède l’imposition, dans l’autre, pour Josué, elle en est l’immédiate conséquence.
Nous touchons ici, quoi qu’il en soit, à l’axe central du destin de Josué, la passation. Car Moïse peut transmettre l’esprit, ce qui donne une légitimité incontestable, en même temps qu’un lien générationnel ou de subordination. On comprend que pour diriger, comme plus tard pour interpréter les Ecritures, il faut une transmission de sagesse, une transmission d’esprit ; à plus forte raison pour la conquête de Canaan. La conquête est le fruit de la promesse abrahamique, de la sortie de l’esclavage, du don de la Torah, et sera elle-même une étape vers la pleine possession de la Terre promise, c’est-à-dire le respect en son sein des commandements rituels et moraux. Il devait donc y avoir une parfaite transition dans la succession entre Moïse et Josué, car la conquête, comme la sortie d’Egypte, ne sera pas humaine, mais bien miraculeuse. Quelle est donc la méthode qui devait être irréprochable et légitime, aux yeux de tous, de cette passation ? Il s’agit de l’imposition des deux mains, rituel public bien connu par lequel il y a transfert. Ensuite Moïse donnera des ordres à Josué : donner des ordres, ordonner ; le terme d’ordonner prend la signification de l’établissement dans une charge.