Sur Luc 24, 13-35

De Jérusalem à Emmaüs, chemin d’espérance

Gilles Rebèche

Sur les chemins du Serviteur, p. 25s

 

Nous voici sur  le chemin d’Emmaüs un dimanche soir, le premier jour de la semaine… Les deux hommes qui avancent ont l’air sombre, l’ambiance est un peu lourde. Nous connaissons tous ce chemin, l’ayant emprunté un jour ou l’autre aux soirs de désillusions, après une déconvenue, un deuil, une séparation, une injustice, une épreuve… Bien des questions passent alors en boucle dans nos têtes, comme les images d’une chaîne d’information télévisée ; elles assombrissent notre visage, notre vision du monde… Mieux vaut nous éloigner de Jérusalem !

Mais à y regarder de plus près, le chemin d’Emmaüs a aussi un goût de commencement. Il évoque à n’en point douter la promenade qu’effectuait le Seigneur dans le jardin d’Eden en soirée pour rechercher sa  créature : Adam, où es-tu ? Mais ce jour-là, Adam avec Eve se cachait ; ils avaient peur de Dieu, car ils avaient entendu sa voix et reconnu qu’ils étaient nus.

Sur le chemin d’Emmaüs, nous sommes ainsi dans une ambiance de Genèse, de premier soir de la semaine. Dieu continue de chercher l’homme, mais ne veut pas l’effrayer. Aussi, il avance incognito. Lui, le nouvel Adam, qui s’est retrouvé nu sur la croix, le nouvel arbre de la connaissance du bien et du mal, avait permis à Dieu d’épouser pleinement l’humanité et de la comprendre de l’intérieur.

Jésus, sur la route d’Emmaüs, prend en fait la route des hommes en déroute. Il emboîte discrètement nos pas lourds, nos déceptions, nos amertumes. Il se mêle à nos conversations, à nos questionnements ; il y introduit secrètement de nouvelles questions : Ne fallait-il pas … ? Et de questions en questions, il nous conduit ailleurs.

Il nous faut bien reconnaître que, nous aussi, nous avons des choses lourdes à porter. Des situations, des personnes sont de vrais poids dans notre existence. Nous-mêmes sommes parfois un peu lourds pour les autres. En reprenant le chemin d’Emmaüs, nous pouvons nous laisser rejoindre par le Christ Serviteur dans nos pesanteurs : il nous permettra de retrouver notre vocation, et de remettre les pendules à l’heure de Dieu. Le travail intérieur qui permet de faire de nos fragilités des ponts d’appui pour avancer, de puiser dans nos zones d’ombres des sources de lumière, est un exercice vital qui nous fortifie dans l’épreuve et nous rend disponibles pour accueillir l’inconnu du chemin d’Emmaüs, avec qui nous réapprendrons la mélodie des chants du Serviteur.