Sur Hébreux 11, 32-40

A la suite de la foi exemplaire des anciens

Saint Jérôme

Lettres, tome VI, Lettre 118 à Julien, p. 94s

 

C’est toi-même que veut le Seigneur comme victime vivante ;  agréable à Dieu, toi, dis-je, non pas ce qui est à toi. S’il te donne des avertissements répétés par ces diverses épreuves, c’est parce que ses nombreuses calamités et afflictions ont instruit Israël : Celui qu’aime le Seigneur, il le punit ; il flagelle tous les fils qu’il accueille. Pour nombreux soient ceux en faveur desquels tu dépenses ta fortune et qui jouissent de ta générosité, beaucoup plus nombreux cependant sont ceux à qui tu n’as rien donné. Mais si tu donnes au Seigneur ta personne et si, selon la vertu des apôtres, tu te mets à être parfait et à suivre le Sauveur, alors tu comprendras où tu en es, et, dans l’armée du Christ, combien est infime le rang que tu tiens. Combien fut grand Abraham, qui, en désir, à la demande de Dieu qui le mettait à l’épreuve, égorgea son fils unique ; et celui qu’il avait entendu désigner comme le futur héritier du monde, il ne désespéra pas de le voir, même après avoir été mis à mort, revivre !

Jephté offrit en sacrifice sa fille vierge : aussi est-il mis par l’auteur de la lettre aux Hébreux, dans la liste des saints. Je ne voudrais pas que tu te contentes d’offrir à Dieu des biens qu’un voleur peut ravir, un ennemi envahir, une proscription enlever ; des biens qui vont et viennent à l’instar des vagues et des flots, et sont occupés par des maîtres successifs, enfin, pour tout dire d’un mot, des biens que bon gré, mal gré, tu devras quitter en mourant. Offre d’autres biens que nul ennemi ne peut t’enlever, nulle tyrannie t’arracher, qui puissent aller avec toi vers les royaumes célestes, vers les délices du paradis ! Tu bâtis des monastères, tu soutiens de nombreux bataillons de saints. Tu agirais encore mieux, si, saint toi-même, tu  vivais au milieu des saints. Soyez saints, parce que moi je suis saint, dit le Seigneur. Les apôtres se font gloire d’avoir tout quitté pour suivre le Sauveur, et pourtant, hormis leurs filets et leur barque, nous ne lisons pas qu’ils aient rien quitté ; cependant, au témoignage de celui qui sera plus tard leur juge, ils sont couronnés parce qu’en s’offrant eux-mêmes, ils avaient quitté tout ce qu’ils possédaient.