Sur Apocalypse 9, 13-21

L’œuvre des cavaliers

Jean-Pierre Charlier

Comprendre l’Apocalypse, tome 1, p. 228s

 

L‘heure est arrivée où Dieu doit reconnaître les siens. Satan, lui est prêt : il va lancer son offensive, et l’optimisme fondamental de l’Apocalypse pense qu’un tiers seulement des hommes sombrera dans les pièges de l’idolâtrie. Il n’y a évidemment ici nulle place pour une guerre réelle et un bain de sang colossal ; d’ailleurs les cavaliers ne sont pas équipés pour cela, étant dépourvus de toute arme offensive. Tuer un tiers des hommes est aussi imagé que délier quatre anges enchaînés ! Chacun sait que se détourner du vrai Dieu pour se confier en des idoles est un processus mortel : Les idoles sont scandales pour les âmes des hommes, dit la Sagesse (124,11). L’idolâtrie, qui contrecarre l’article un du Décalogue, est le seul péché total, fondamental, annulateur de la création, l’idolâtrie est le péché qui conduit à la mort.

Les quatre anges se démultiplient en une invraisemblable cavalerie de deux cent millions d’armées : c’est le plus haut chiffre jamais cité dans les Ecritures en dehors de Daniel 7,10 où apparaissent dix milliards d’êtres qui se tiennent devant Dieu. L’idée sous-jacente pourrait bien être que chaque homme est individuellement atteint par la tentation idolâtrique.

Dans la description de la cavalerie où chevaux et cavaliers sont confondus, bien des traits rappellent celle des sauterelles : les thorax, les queues, les dents de lion. Mais ces êtres qui se posent en rivaux de Dieu ont trois groupes de caractéristiques ternaires : non seulement la bouche, la tête, et leur action de tuer sont mentionnées trois fois, mais surtout leurs armes et leur parade sont triples puisque au feu, à la fumée et au soufre, qui sortent de leurs gueules, correspondent les qualités de leur poitrail qui est de feu, d’hyacinthe et de soufre. Le thorax qui abrite le cœur, siège de la pensée, est ainsi de même nature que ce que crache la bouche, organe de la parole ; or, le feu, la fumée, et le soufre sont associés à l’idolâtrie, et le rouge hyacinthe est la couleur biblique des idoles.

Ainsi, en résumé, les cavaliers agissent de tout leur être par leurs têtes et leurs queues, de toutes leurs forces (image du lion), de toute leur intelligence et leurs discours, la bouche qui vomit, par leur ruse ancestrale, le serpent, pour répandre le feu qui brûle, la fumée qui obnubile et le soufre qui stérilise ; par ces moyens, un tiers des hommes va mourir dans leurs mirages. Maintenant, le temps est proche où cette provocation à l’idolâtrie prendra vraiment consistance, lorsque la seconde Bête présentera à l’adoration du monde une icône accréditée par le feu du ciel.