Sur Apocalypse 10, 1-11
Le Livre dans l’Apocalypse

Père Jean-Pierre Prévost
Les symboles de l’Apocalypse, p. ççs

Plus que tout autre auteur du Nouveau Testament, saint Jean porte intérêt au livre comme objet physique et comme contenu. En plus de revendiquer le plus grand nombre d’emplois du mot biblion (« volume »), il est le seul à employer un diminutif de ce mot biblaridion (« petit volume »). Jean connaît aussi l’autre forme du mot, biblos, peu usité par ailleurs dans le reste du Nouveau Testament (huit fois seulement). De tous les auteurs du Nouveau Testament, seuls les évangélistes Matthieu et Jean, ainsi que l’auteur de l’Apocalypse utilisent l’un de ces trois mots pour désigner leur propre ouvrage.
Le rapport au Livre est tout à fait particulier chez l’auteur de l’Apocalypse et présente plus d’une exclusivité par rapport au Nouveau Testament. Tout d’abord, Jean est le seul à écrire sur le coup d’un ordre reçu du ciel, et la notice éditoriale placée à la fin de son ouvrage est un cas unique ; Jean y revendique un statut prophétique pour son œuvre et réclame de ses lecteurs le respect de l’intégralité du livre qu’il a écrit : Je l’atteste à quiconque entend les paroles prophétiques de ce livre : si quelqu’un y ajoute, Dieu lui ajoutera les fléaux décrits dans ce livre. Et si quelqu’un retranche aux paroles de ce livre prophétique, Dieu retranchera sa part de l’arbre de vie et de la cité sainte qui sont décrits dans ce livre. Nul autre que lui, par ailleurs, ne fait référence à un quelconque « Livre de la Vie », un concept que Jean semble avoir hérité du Judaïsme ancien, et en particulier des apocalypses juives, où ce genre de livre est relatif au jugement final : inscription des justes et de leurs œuvres, ou registres des œuvres de chacun, bonnes et mauvaises. Enfin émule en cela du prophète Ezéchiel (2,8-3,3), Jean reçoit l’invitation de manger le petit livre ouvert que lui présente un ange puissant. Ce petit livre a d’abord un goût de miel dans la bouche de Jean, avant de devenir amer une fois assimilé. Il y a là une image forte de la parole prophétique, source à la fois de ravissement et exigence de conversion.
C’est toutefois un autre livre qui s’impose davantage à l’attention des lecteurs de l’Apocalypse, un livre écrit au-dedans et au-dehors, scellé de sept sceaux. La seule vue de ce livre, jugé illisible, ne peut susciter que désolation chez Jean. Mais la tension est aussitôt apaisée, dès qu’on apprend que l’Agneau est jugé digne de recevoir le volume et d’en briser les sceaux, une image des plus fortes pour indiquer que le Christ éclaire l’ensemble des Ecritures.