Sur Apocalypse 11, 1-19

Les deux témoins

 

Père Jean-Pierre Charlier

Mort et résurrection du Témoin de Dieu, VS 133, p. 326s

 

Je donnerai à mes deux témoins de prophétiser. Deux témoins ! Qui sont-ils donc puisque en Christianisme, il est bien entendu qu’il n’en existe qu’un, le Seigneur Jésus ? Mais dans l’Apocalypse, rien ne se passe comme ailleurs : je garde le sentiment très vif  qu’il s’agit bien de Jésus de Nazareth. Un Jésus dédoublé en quelque sorte, car comment parler univoquement de lui ? Tant de caractéristiques lui appartiennent, tant de facettes le composent, tant de fois le reconnaissent et le prit qu’il n’est pas trop d’une double figure pour le représenter. A cette duplication, je vois bien des raisons déterminantes et suffisantes à notre médiation.

En voici l’une d’elles qui me paraît presque claire. Jésus Christ est double, parce qu’il synthétise deux oliviers : Mes deux témoins, ce sont deux oliviers, dit notre texte. L’olivier, c’est bien connu, est un arbre qui par ses fruits donnent de l’huile. Huile domestique et culinaire, et huile liturgique qui fournit matière à l’onction du roi et du grand prêtre. Aussi ceux-ci sont appelés les deux fils de l’huile, par le prophète Zacharie (4,14), ou, plus symboliquement encore, les deux oliviers, toujours par Zacharie (4,3 et 11). Nous sommes ici dans la ligne de cette tradition qui faisait espérer en Israël la venue simultanée de deux Messies, l’un de souche royale, l’autre de lignée sacerdotale, à l’image de ce qui s’est passé au retour de l’exil, lorsque le prince civil Zorobabel et le grand prêtre Josué, autre orthographe de Jésus, avaient conjointement présidé aux destinées du Peuple de la promesse. Les ascètes de Qumrân attendaient eux aussi, au seuil de notre ère, l’apparition des Messies d’Aaron et d’Israël, et l’écho de la Mer Morte se répercute jusqu’ici.

A vrai dire, le monde n’a pas eu besoin de deux Messies puisque Jésus a suffi, seul, à la tâche. A lui seul, il est double, cumulant les fonctions de lieutenant du Royaume de Dieu et de grand prêtre de l’Eglise. Au premier de ces titres, il a clarifié ce que Dieu attendait de nous pour qu’il puisse régner pleinement sur nous. Que faire pour être du Royaume ? il suffit, dit Jésus, d’entendre ma parole, de l’accueillir et de vivre en conformité avec elle. Au second titre, celui du sacerdoce, Jésus a été un excellent médiateur de l’Alliance. Il a remplacé et donc rendu caducs tous les grands prêtres chargés de tous les sacrifices, devenant lui-même l’unique prêtre et le seul sacrifice. Si Dieu attend de nous un autre sacrifice, c’est celui qui brûle sur l’autel des parfums et que fait monter jusqu’à lui l’ange à l’encensoir d’or, c’est-à-dire l’hommage de notre prière (Apocalypse 8,3-4). Double olivier donc : Jésus-Roi nous apprend à vivre, Jésus-Prêtre nous demande de prier.