Sur Apocalypse 13, 1-18

Les deux bêtes

 

Saint Augustin

Explication de l’Apocalypse de saint Jean, OC 11, p. 528s

 

Et je vis une bête s’élever du milieu de la mer, c’est-à-dire du milieu du peuple. Il la voit s’élever, c’est-à-dire naître. Cette bête qui s’élève de la mer, ce sont les impies qui sont le corps du démon. Cette bête, il la compare au léopard à cause de la diversité des nations, à l’ours à cause de sa malice et de sa folie, au lion à cause de la force de son corps et de l’orgueil de ses paroles. Et comme au temps de l’Antéchrist, son royaume offrira un mélange de divers peuples et de diverses nations ; ses pieds semblables aux pieds d’un ours sont ses principaux chefs, et sa bouche, les ordres qu’elle donne. Elle reçut le pouvoir de faire la guerre quarante-deux mois aux saints et d’en vaincre certains. Les saints se sont les bons chrétiens, ceux qui sont vaincus par la bête, ce sont les mauvais.

Et je vis une autre bête s’élever de la terre. La terre a ici la même signification que la mer. Cette bête avait deux cornes comme celle de l’agneau, c’est-à-dire les deux Testaments à l’instar de l’Agneau, ou si l’on veut de l’Eglise. Et elle parlait comme le dragon : c’est l’Eglise des hérétiques. Elle ne chercherait pas à imiter la ressemblance de l’Agneau, si elle parlait ouvertement et sans réserve, mais elle ne se couvre des dehors du Christianisme que pour tromper plus sûrement ceux qui ne sont point sur leurs gardes. C’est pour cela que le Seigneur nous fait cette recommandation : Gardez-vous des faux prophètes (Matthieu7,15). Elle fit adorer par la terre et par ceux qui l’habitent la première bête. Et elle opéra de grands prodiges jusqu’à faire descendre le feu du ciel sur la terre devant les hommes. Puisque le ciel, c’est l’Eglise, le feu qui descend du ciel, ce sont les hérésies qui tombent de l’Eglise, comme il est écrit : Ils sont sortis de nous, mais ils n’étaient pas de nous (1 Jean 2,20). Cette bête donc, avec ses deux cornes, détermine le peuple à adorer l’image de la bête, c’est-à-dire l’invention du démon. Les saints qui sont dans l’Eglise reçoivent Jésus-Christ sur leur main et sur leur front ; les hypocrites reçoivent la bête sous le nom de Jésus-Christ. Les justes, eux, n’adorent point la bête, ne se soumettent pas à ses desseins pervers.