Sur Apocalypse 14, 1-13

L’Agneau

 

Père Jean-Pierre Prévost

Les symboles de l’Apocalypse, p. 21s

 

On retrouve la thématique du Christ-Agneau dans le Nouveau Testament, notamment dans une double déclaration publique de Jean Baptiste, dans certains rapprochements que les auteurs du Nouveau Testament font entre le sacrifice du Christ et celui de l’agneau pascal, ou encore entre la Passion du Christ et celle du Serviteur souffrant d’Isaïe. Si l’auteur de l’Apocalypse n’a pas inventé l’image de l’agneau, ni son application au Christ, il est tout de même celui qui lui a donné le plus d’ampleur et de profondeur.

De tous les symboles utilisés par Jean celui de l’agneau s’avère le plus original et le plus dense. Jean a fait de l’Agneau une figure fondamentale de son livre, et ce, dès sa première apparition dans l’Apocalypse, jusqu’au tout dernier chapitre du livre.

Le choix de l’image de l’agneau est loin d’être neutre. D’une part il permet à Jean d’intégrer les différentes harmoniques d’un symbole biblique déjà très riche, agneau pascal, agneau sacrificiel, obéissance et non-violence du Serviteur souffrant. La forte perspective pascale de l’Apocalypse (mort et résurrection du Christ) et les nombreuses références à l’Exode (manne cachée, plaies d’Egypte, cantique de Moïse) font de l’Agneau, décrit par Jean, le nouvel Agneau pascal, signe et gage de délivrance et de salut pour tous. D’autre part, par le recours à une symbolique animale, Jean peut mieux définir les traits de son héros, le Christ, par contraste avec ceux des antihéros que sont le dragon et les deux bêtes. L’Agneau est humble, non violent, porteur de vie et de salut, tandis que ses opposants sont d’une arrogance et d’une violence extrêmes et ne sèment autour d’eux que haine, destruction et mort.

Sur le plan de la symbolique universelle, on conviendra que l’Agneau est symbole de douceur et en quelque sorte de non-violence, de fragilité sinon d’impuissance. Ces aspects sont sans aucun doute présents, mais Jean innove en attribuant à l’Agneau la force guerrière, c’est le sens des sept cornes, et la victoire : l’Agneau vainqueur n’est nul autre que le lion de la tribu de Juda.

Le contexte général de l’Apocalypse, qui est celui des prétentions au pouvoir absolu de la part de la Bête, donne encore plus de relief aux attributs royaux que Jean reconnaît à l’Agneau (trône, puissance et royauté). Sour la plume de Jean, l’image de l’Agneau acquiert une force proprement subversive. La Bête a beau revendiquer le pouvoir et disposer d’alliances stratégiques avec les rois de la terre, la victoire de l’Agneau est prémices d’un royaume nouveau et éternel : La royauté du monde est advenue, la royauté de notre Seigneur et de son Christ, et il règnera pour les éternités d’éternité.