Sur Apocalypse 14,14-15,4

Moisson et vendange de la terre

 

Eugenio Corsini

L’Apocalypse maintenant, p. 215s

 

 Dans le texte de l’Apocalypse que nous venons de lire, le thème du jugement, lié à celui de la mort de Jésus, est souligné par les deux groupes d’anges qui encadrent l’apparition du Fils d’homme. Ces deux groupes d’anges représentent la Loi et les Prophètes, qui sont les témoins de la venue et de la mort du Christ dans l’économie ancienne, et qui donc collaborent avec lui pour que se réalise son œuvre de juge. A cela se réfère un autre trait que Jean a ajouté à la description du Fils d’homme : la faucille acérée, laquelle est encore symbole de mort. Cette mort évoquée tant par la faucille que par les images de la moisson, de la vendange et du pressoir est encore celle du Christ et donc, dans la perspective de Jean, une réalité bienfaisante. D’autant qu’à la moisson et à la vendange est associée l’idée de la récolte, c’est-à-dire du rassemblement des élus. La nuance de douleur ou de menace inhérente aux images est due au fait qu’à travers elles la mort du Christ est vue comme un jugement universel qui comporte, avec l’aspect positif du rassemblement des sauvés, l’aspect négatif de la condamnation des rebelles.

En ce sens la faucille acérée que le Fils d’homme tient à la main est l’équivalent exact de l’épée acérée à deux tranchants qui sort de sa bouche, ou de la bouche du Logos : c’est un symbole du jugement de Dieu sur le monde qui se vérifie avec la venue et la mort du Christ. Le remplacement de l’épée par la faucille est dû aux images de la moisson et de la vendange qui suivent aussitôt dans le texte. Par ces divers éléments, faucille, moisson, vendange, la scène reprend une prophétie de Joël (4,13s) qui présente le jugement dernier comme un prélude au règne messianique. De cette prophétie, familière à la littérature apocalyptique, le Nouveau Testament contient des échos là om l’image de la moisson se réfère à la venue du Règne. Nous comprenons alors quel but Jean vise en combinant la prophétie de Daniel, le Fil d’homme sur les nuées, et celle de Joël, moisson et vendange de la terre. Dans la première, Jean a lu, au chapitre 5 de l’Apocalypse, une annonce de la mort salvifique du Christ ; la faucille, mise ici dans le main du Fils d’homme signifie que la venue sur les nuées, la mort du Christ, est le jugement universel de Dieu sur le monde.