Sur Apocalypse 15,5-16,21

La liturgie à Cluny

 

Guy de Valous

Le monachisme clunisien des origines à nos jours, p. 329s

 

La liturgie est, pour les disciples de saint Benoît, un procédé de sanctification, et aussi et surtout, en elle-même, un but. La liturgie est placée au seuil de la législation régulière, tandis que la prière privée est laissée à l’initiative individuelle de chaque religieux : la prière publique des moines est organisée avec plus de soin que tout le reste de la vie régulière.

Le moine est créé pour faire monter vers Dieu, en son nom propre et au nom de tous, l’hommage de ses prières. L’Abbé de Cluny, Henri Ier rappelait la maxime primordiale de son ordre lorsqu’il disait, après saint Benoît : Ne rien préférer au Christ. L’Office divin, qui, suivant saint Benoît, est la chose la plus importante dans le cadre de l’existence monastique, devient avec Benoît d’Aniane et Cluny, pour ainsi dire l’unique occupation des moines. Soit que, par suite des circonstances, le travail des champs fut de plus en plus réservés aux familiers, aux serviteurs laïcs, soit surtout que le caractère du sacerdoce, ajouté à la profession monastique, ait réclamé une occupation plus spirituelle que les œuvres serviles, le travail manuel fit place pour les moines à la psalmodie, à la célébration amplifiée de l’Office divin.

Il fallait occuper les moines pendant les heures que saint Benoît de Nursie avait autrefois fixées pour le travail des mains. L’étude et la lecture ne pouvaient être prolongées indéfiniment, ou n’étaient pas à la portée de toutes les intelligences. On augmenta donc la quantité des psaumes, et on multiplia les Offices. C’est ainsi que Odon, deuxième Abbé de Cluny (927-948) et ses successeurs attribuèrent à la prière liturgique une importance considérable ; ils en développèrent la célébration par une grande variété de cérémonies ; ils en rehaussèrent l’éclat par la parfaite exécution des mélodies, par la magnificence des vêtements et par la beauté des édifices du culte. L’âme de Cluny, ce fut vraiment la prière liturgique. Et celle-ci, par sa complexité et sa continuité, réclama de jour en jour un effort plus grand. Un clunisien illustre, Matthieu d’Albano, disait vers 1130 : Le travail de la longue psalmodie a remplacé dans l’Ordre clunisien le travail des mains. La raison d’être principale du moine clunisien, sa grande occupation, c’est donc le chœur. Psalmodie et lecture spirituelle, voilà la vie du moine.