Sur Josué 5,13-6,21_

Voir Dieu

 

Saint Augustin

Traité contre les cinq hérésies, OC 27, chapitre IV, p. 570-571

 

Dieu dit à Moïse : Voici que j’envoie mon ange pour marcher devant vous ; observez-le, écoutez sa voix. Vraiment tu entends parler un ange ? Comprends qu’il s’agit du Seigneur lui-même. Des faits de ce genre, l’Ecriture en donne à maintes reprises. Il y a plus : Loth voit deux anges venir à lui ; que leur répond-il ? Mon Seigneur ! Il ne s’adresse qu’à un seul, il n’en prie qu’un seul, et ne crains pas de manquer de déférence pour l’autre. Il voit deux anges, il les voit égaux ; pourquoi n’en prie-t-il qu’un seul ? Parce qu’il ne sépare point le Père du Fils, il les prie tous les deux comme ne faisant qu’un. Il est dit encore dans l’Exode que l’ange du Seigneur apparut à Moïse dans une flamme de feu qui sortait du milieu d’un buisson ; le Seigneur le voyant venir pour considérer ce qu’il voyait l’appela : Moïse, Moïse ; et que répondit ce dernier : Qui es-tu, Seigneur ?

         Et Josué, qui voit-il ? Qui interroge-t-il ? Qui adore-t-il ? Il voit un homme, un interroge un homme, il adore non pas ce qu’il voit, mais ce qu’il croie, car la foi vient par l’ouïe : on entend que parce que la parole a été annoncée, dit Paul (Romains 10,17). Josué voit un homme, mais ce qu’il comprend est bien au-dessus des enfants des hommes. Il va vers ce qu’il voit parce que ce qu’il voit vient à lui, et il veut sonder cette grande merveille qu’il voit. Pour lui, c’est encore obscur ; déjà Moïse, lui, s’était voilé la face : son voile l’empêchait de voir car la vérité lui était encore cachée. De même Josué ne reconnait point cet homme présent en face de lui ; aussi doit-il le questionner : Es-tu des nôtres ou de nos ennemis ? Si c’est un ennemi, c’est un homme, donc un adversaire ; si c’est un des nôtres, c’est un homme et c’est le Sauveur. Que Josué interroge Jésus, que le premier Jésus interroge le second ; c’est le plus petit qui interroge le plus grand, celui qui décroît qui interroge celui qui grandit, la figure qui interroge la vérité, ou plutôt, c’est la figure qui comprend la vérité : le jour viendra et les ténèbres temporelles se dissiperont. Josué touche une chair, il cherche, il aperçoit un homme armé ; le mystère est encore caché à ses yeux. Il interroge un homme, il entend le Verbe, le voile s’écarte, il adore Dieu.