Sur 1 Samuel 25, 14-24 . 28-39

Mémoire et présence
Saint Bernard
Traité de l’amour de Dieu, 9-12, p. 31s

Si nous voulons que le Christ se fasse souvent notre hôte, il nous faut avoir nos cœurs remplis sans cesse du fidèle souvenir de la miséricorde et de la puissance dont il nous a donné les preuves dans sa mort et sa résurrection. David nous y invite en disant : Une fois, Dieu a parlé ; deux fois, j’ai entendu. Ceci : que la force est à Dieu, en toi, Seigneur, l’amour ; et ceci : que tu paies, toi, l’homme selon ses œuvres. Les témoignages de ces deux vérités sont devenus dignes de foi puisque le Christ, mort pour expier nos péchés et ressuscité pour nous justifier, est monté au ciel pour nous protéger, qu’il nous a envoyé le Saint Esprit pour nous consoler, et qu’il reviendra un jour pour consommer notre salut. Il a donc manifesté sa miséricorde dans sa mort, sa puissance dans sa résurrection, l’une et l’autre dans tout ce qu’il a opéré de plus pour notre salut.
Voilà les fruits, voilà les fleurs dont l’épouse demande à être entourée et soutenue. Sans doute, elle sent que les forces de l’amour pourraient facilement tiédir et s’alanguir en elle, si elle n’était pas sans cesse ranimée par ces excitants, jusqu’au moment où, introduite dans la chambre de l’époux, elle recevra les embrassements si longtemps désirés et pourra dire : Sa gauche est sous ma tête, sa droite me tient embrassée. Elle sentira alors et elle éprouvera que tous les témoignages d’amour que son bien-aimé, en son premier avènement, ne lui a donnés, pour ainsi dire, que de la main gauche, sont à dédaigner et doivent être regardés comme inférieurs en comparaison de l’abondance des douceurs qu’elle recevra des embrassements de la main droite. Elle reconnaîtra la vérité de ce qu’elle avait entendu : La chair ne sert de rien, c’est l’Esprit qui vivifie. Elle éprouvera ce qu’elle avait lu : Mon esprit est plus doux que le miel et mon héritage plus agréable que le miel et ses rayons. Les paroles qui suivent : Mon souvenir passe de siècle en siècle, expriment que tant que durera le siècle présent où une génération arrive alors qu’une autre passe, les élus ne seront pas privés de la douceur du souvenir, bien qu’ils ne jouissent pas encore de la pleine consolation de la présence. C’est pourquoi, il est écrit : Faisant mémoire de ton immense bonté, chacun acclamera ta justice, paroles qui, sans nul doute, s’appliquent à ceux dont il a été dit un peu plus haut : Un âge à l’autre vantera tes œuvres, et fera connaître tes prouesses. Le souvenir est donc pour la génération des siècles, la présence pour le royaume des cieux. Celle-ci fait la gloire des élus arrivés au terme, l’autre la consolation de ceux qui sont encore dans le lieu de leur pèlerinage.