Sur Osée 10, 1-15

La crainte de Dieu

Père Louis Derousseaux

La crainte de Dieu dans l’Ancien Testament, p. 200s

 

Ils diront alors : « Nous n’avons pas de roi, car nous n’avons pas craint Dieu » ; mais le roi que peut-il faire pour nous ? Comment comprendre l’expression craindre Dieu ? A-t-elle un sens moral ou un sens cultuel d’Alliance ? Difficile de trancher ici, il est plus important de voir quelle relation existe entre la crainte de Dieu et la royauté.

Osée semble vouloir se démarquer par rapport à une expression courante dans le royaume du nord ; cette expression craindre Dieu, apparue dans les milieux religieux, devait être employée dans les cercles gravitant autour de la royauté et dans les milieux populaires. Le sursaut de la dynastie de Jéhu a été vite oublié, après quelques dizaines d’années de richesse et de puissance : Amos en a fait le constat, ainsi qu’Osée, qui loin de partager l’enthousiasme de certains dans le passé, dit son horreur des massacres de Jéhu dans la plaine d’Yisréel.

Osée fait donc fi de la royauté, et, parce qu’elle est trop liée à la crainte de Dieu dans le nord depuis Jéhu, il refuse d’employer cette expression où il ne voit plus qu’hypocrisie. D’autres, au même moment, exprimeront le même refus de cette royauté trop humaine, mais en exaltant la crainte de Dieu, lui, le seul Roi. Une large communauté de pensée caractérise la pensée sur cette expression, mais sous de sensibles différences de vocabulaire.

Rappelons qu’avec Josué, au chapitre 24, lors de la grande assemblée de Sichem, l’expression craindre Dieu est devenue une expression de l’Alliance, de l’exigence fondamentale que Dieu adresse  à son peuple. Les formulaires des traités de vassalité, depuis les Hittites du II° millénaire jusqu’au traité d’Asarhaddon, devaient être connus dans le Proche Orient entier, mais l’auteur biblique les utilise de façon originale : craindre Dieu n’apparaît nulle part ailleurs, et, surtout, Dieu y est le Grand Roi, le seul Roi qui a le droit d’ordonner et d’être obéi totalement. Car c’est une revendication sur tout homme du peuple de l’Alliance et sur toute sa vie que Dieu exprime en Josué 24. La pointe anti monarchiste se fait sentir de plus en plus à travers cette formule : l’horreur d’Osée devant les péripéties sanglantes des dynasties du Nord vient relayer l’opposition vigoureuse de certains aux rois idolâtres, mais, cette fois, c’est la royauté tout entière qui est rejetée comme le péché par excellence d’infidélité.

La catastrophe de Samarie et la fin du Royaume du Nord font sombrer ce courant littéraire et théologique. Le centre de gravité va se déplacer : c’est une doctrine ample et sereine de la crainte de Dieu qui va alors s’épanouir.