sur Ephésiens 4, 1-16

L’évangile de Matthieu : un message pour nous, aujourd’hui

Père Anselme Grün

L’Evangile de Matthieu, p. 18s

 

Que peut nous dire Matthieu ? Il nous montre tout d’abord la lutte à mener pour l’Eglise. Elle doit être le levain de ce monde, le sel de la terre, sa lumière. Elle est chargée d’une mission à l’échelle de l’humanité et ne doit pas s’y soustraire. Aujourd’hui surtout, alors que la haine ne peut appeler que la haine, alors que la violence invoque trop souvent des arguments religieux, l’évangile de Matthieu nous montre la voie d’un amour surmontant l’hostilité, d’une non-violence plus forte que la violence. Si l’Eglise suit ce chemin et s’exerce à une nouvelle coexistence dans l’esprit de Jésus, elle sera pour ce monde le signe d’une espérance, celui de la paix possible. En effet, la coexistence dans l’Eglise n’est pas seulement un signe extérieur, mais l’expression de la force de sa foi. Aujourd’hui encore, comme aux premiers temps, Jésus veut agir à travers l’Eglise. Il a vécu en un lieu concret, en Palestine, et veut que sa proximité soit encore éprouvée en des lieux concrets. Comme Matthieu l’a pressenti, et après lui bien des Pères de l’Eglise, la volonté de Jésus est que l’Eglise soit, à travers le temps, le lieu où les hommes puissent se rencontrer ; c’est par l’action des chrétiens qui le suivent qu’il veut guérir et transformer ce monde.

Matthieu, dans son évangile, mise sur une spiritualité se traduisant dans le comportement concret, et contribuant ainsi à façonner le monde, tel un levain. La spiritualité n’est authentique que si elle crée l’aptitude à une nouvelle coexistence. Matthieu a consacré tout un chapitre, le chapitre 18, à la vie intérieure de la communauté, pour lui éviter de s’égarer dans l’exaltation, comme ce fut le cas dans bien des cercles chrétiens à la fin du premier siècle.

Autre aspect, parmi bien d’autres, de l’évangile de Matthieu, c’est l’insistance sur la compassion : Je préfère la compassion aux rites. Cette parole du prophète Osée, Matthieu la cite deux fois. Au verset 9,13, Jésus dit littéralement, s’adressant à des pharisiens : « Maintenant, allez et essayer de comprendre : Je préfère la compassion aux rites ». « Allez comprendre » est une formule propre à l’école rabbinique ; par là, Matthieu veut dire : « Allez à l’école de Jésus, ce que vous y apprendrez de plus important, c’est la miséricorde. Dieu est miséricordieux ; il ne veut pas ton sacrifice, que tu te rapetisses et te détruises toi-même. Il veut que, par gratitude envers lui pour la miséricorde qu’il te témoigne, tu sois miséricordieux envers toi-même et envers les autres. En dépit des exigences de la Loi, dont Jésus a renforcé la rigueur pour tout ce qui touche aux rapports entre les humains, le chrétien doit se sentir toujours assuré de la miséricorde divine ; le chrétien conforme à la volonté de Jésus n’est pas le fanatique qui ne sait qu’exiger l’observation des commandements, mais le miséricordieux.