Sur Jérémie 22, 10-30

Rejet de Joakin, le roi disgracié

Père Jean Steinmann

Le prophète Jérémie, sa vie, son œuvre et son temps, p. 200s

 

Dieu parle : il invite la ville assiégée qui se confond avec ses chefs à chercher refuge sur les cimes de la contrée, celles dont Isaïe avait annoncé la chute lors du triomphe de Dieu. C’est un tour d’horizon : le Liban au Nord, Bashan au Nord-Est, l’Abirim, voisin du Mont-Nébo et Transjordanie, en face de l’embouchure du Jourdain, au Sud-Est. Puis dans les vers suivants, d’une ironie amère, Jérusalem, dont le roi réside solennellement dans le Hall-du-Bois-Liban, est comparée à un aigle nichant au milieu des cèdres vénérables, puis, par un brusque contraste, devient semblable à une femme gémissante, accroupie, le ventre tordu par les spasmes de l’enfantement. Joaqim mort, brutalement Jérémie, au nom de Dieu, rejette son jeune fils Joakin, qu’Il appelle Konyahou.

L’avant dernier prince de la dynastie davidique se voit impitoyablement exilé ; où sont donc les splendides promesses faites à la monarchie de David ? Et pourtant, ce jeune prince, tout juste âgé de dix-huit ans, ne pouvait guère être coupable… Aussitôt couronné, s’il eut le temps de l’être, il fut tragiquement détrôné et envoyé en exil. Joakin avait eu, du moins, assez de lucidité pour juger la lutte impossible et ne pas attendre un massacre inutile pour se rendre aux Babyloniens. Nabucodonosor ne se montre pas cruel envers les Judéens et envers Joakin. Le jeune roi eut droit à une captivité honorable ; des textes, découverts à Babylone, datant de la 10ème à la 30ème année de Nabucodonosor (594-569) donnent les quantités d’huile allouées au roi exilé et à sa cour. A la mort de Nabucodonosor, en 562, Joakin fut encore mieux traité : Le nouveau roi lui parla avec faveur, lui accorda un siège supérieur à ceux des autres rois, mangea toujours à sa table sa vie durant, lit-on dans le deuxième livre des Rois (25,27-30).

Quoique beaucoup moins affreux que le siège de Jérusalem qui devait avoir lieu onze ans plus tard, la chute de la capitale, le pillage du Temple, et l’exil du prince étaient des malheurs qui paraissaient sans précédent : Jérémie chanta toute une lamentation sur les déportés.