sur Luc 6, 12-19

Il passa la nuit à prier

Saint Ambroise de Milan

Traité sur l’Evangile de saint Luc, SC 45, p. 198s

 

Il advint, en ces jours, qu’il se retira sur la montagne pour prier, et il passa la nuit à prier. Ceux qui prient ne gravissent pas tous la montagne ; mais celui qui prie bien, s’élevant des biens terrestres aux biens supérieurs, gravit la cime de la solitude d’en-haut. Celui-là monte qui cherche Dieu, celui-là monte qui implore pour sa marche l’aide du Seigneur. Toutes les âmes grandes, toutes les âmes élevées gravissent la montagne : Gravis la montagne élevée, toi qui donnes la bonne nouvelle à Sion ; élève la voix avec force, toi qui donnes la bonne nouvelle à Jérusalem. Ce n’est pas en multipliant les pas de notre corps, mais par des actions élevées qu’il nous faut gravir cette montagne.

Le Seigneur prie non afin d’implorer pour Lui, mais afin d’obtenir pour nous ; car bien que le Père ait tout remis au pouvoir du Fils, le Fils pour réaliser pleinement sa condition d’homme, juge nécessaire d’implorer le Père, et il le prie pour nous, car il est notre avocat.

Il passa la nuit à prier. On nous donne un exemple, on nous trace le modèle que l’on doit imiter. Que faut-il faire pour notre salut, quand pour nous le Christ passe la nuit en prière ? Ne prieras-tu pas quand tu veux entreprendre quelque œuvre bonne, alors que le Christ, au moment de choisir ses apôtres, a prié et prié seul toute une nuit ? Nulle part ailleurs on ne trouve que Jésus ait prié avec les apôtres : partout il implore seul. Nul ne peut avoir part à la pensée intime du Christ.

Il appela ses disciples et il choisit douze d’entre eux. Il les envoya, semeurs de la foi, répandre dans tout l’univers le secours du salut parmi les hommes. Ce ne sont pas des sages, des riches, des nobles, mais des pécheurs et des publicains qu’il a choisis pour cette mission, de crainte qu’ils ne paraissent avoir été préférés pour leur habileté, rachetés par leurs richesses, attirés à sa grâce par le prestige du pouvoir et de la notoriété. Ce qui devait triompher, c’est la force de la vérité, et non le charme du discours. Juda lui-même fut choisi, non par imprudence, mais par providence.

Le Seigneur s’est chargé de la faiblesse humaine, il a voulu être abandonné, trahi ; il a voulu la trahison de son apôtre, pour que toi, si tu es abandonné par un compagnon, trahi par un compagnon, tu acceptes avec calme l’erreur de ton jugement, le gaspillage de ton bienfait.