Sur Jérémie 28, 1-17

L’altercation avec le prophète Hanania

 

Père Jean Steinmann

Le prophète Jérémie, sa vie, son œuvre et son temps, p. 214s

 

Cette fois, le joug de Jérémie est bien en place ! Mais il faut reconnaître que, dans ce duel oratoire et prophétique, Jérémie fait piètre figure. A la prophétie d’Hanania annonçant le retour des trésors et des exilés, il ne trouve à répondre qu’un mot : Amen ! Il est si déconcerté et embarrassé qu’il souhaite que son adversaire ait raison. Puis il se reprend un peu et à haute et intelligible voix, il rappelle un principe général. Les anciens prophètes étaient des prophètes de malheur. Avant de croire aux prophéties favorables, il faut attendre leur réalisation. Cette riposte est bien timide.

Le geste d’Hanania qui brise le joug de Jérémie a mis probablement le comble à la confusion de ce dernier. Dans le fait que la grosse pièce de bois ses soit fendue d’un seul coup, tous les assistants virent un signe du ciel, une approbation divine, donnée aux paroles d’Hanania.

Déconcerté, manquant d’esprit de répartie, et peut-être du courage nécessaire pour affronter une foule hostile, Jérémie s’en alla sans mot dire. Plus tard, sous l’empire d’une nouvelle inspiration, il trouva enfin de quoi répondre : il alla porter à Hanania le plus cruel des messages.

A Babylone, d’autres prophètes soutenaient des idées identiques à celles d’Hanania. Jérémie, jamais à court de démarche, profita du départ de deux ambassadeurs à Babylone pour leur confier une lettre écrite aux déportés. Que dit-il ? Il annonce à Hanania sa mort en usant d’un jeu de mots très ironique : Hanania n’a pas été envoyé comme prophète par Dieu, mais Dieu va l’envoyer dans le domaine des morts.

La fin du récit s’accorde avec la conception du prophétisme qu’on trouve dans le Deutéronome : Si le prophète a la présomption de dire en mon nom une parole que je ne lui aurai pas ordonné de dire, dit le Seigneur, c’est le prophète qui mourra. Et tout rentre alors dans l’ordre.