sur Jérémie 29, 1-14

 

Lettre à des moniales

Saint Charles Borromée

Les écrits des Saints : saint Charles Borromée, p. 169s

 

Vous tous, vous toutes, annoncez, proclamez la bonté de Dieu, la miséricorde dont il use envers vous. Manifestez à tous combien grande est la félicité de votre état, vestibule du paradis : la vie religieuse n’est-elle pas le commencement du paradis sur la terre ? Nul ne peut le comprendre sinon celui qui l’a expérimenté. Nul ne peut savoir quelle est la douceur du miel, sinon celui qui goûte le miel ; nul ne peut ressentir le bonheur de la vie religieuse sinon celui qui s’y exerce en s’éloignant, en se séparant entièrement de toutes les choses de ce monde, car l’homme, nous dit l’Apôtre, ne saurait comprendre les choses de l’Esprit de Dieu. En effet, qui veut goûter Dieu doit avoir l’Esprit de Dieu, à savoir lui rester uni, attaché à sa sainte volonté, détaché de tout ce qui n’est pas lui, l’aimer lui seul, et le prochain pour lui seul.

Considérons le grand besoin que nous avons de la grâce de Dieu. Rappelons-nous la fragilité, la timidité des apôtres avant qu’ils eussent reçu la grâce d’en-haut. Mais après cette effusion, quel changement ! Nous les voyons intrépides, ardents, animés de zèle pour la prédication de l’Evangile. C’est pourquoi, il ne faut pas se lasser de demander la grâce. Il faut se confier dans l’aide de Dieu : lui fortifiera notre faiblesse, lui facilitera ce qui, parfois, si l’on mesure les forces humaines, semble impossible, et l’est réellement. Bien souvent même, Dieu nous rend agréables les choses que nous avions d’abord en horreur. D’où nous vient cela, à qui le devons-nous ? Au Seigneur qui administre sa grâce selon la vocation à laquelle il appelle les créatures, et il la donne avec une telle abondance que, non seulement l’esprit, mais la chair elle-même, par redondance, goûte avec suavité cette manière de vivre.

Et l’on voit clairement que tous les spirituels, ceux qui sont vraiment spirituels, portent avec eux cette joie et cette allégresse qui resplendit sur leur visage et invite les âmes à se mettre au service de Dieu, ainsi que l’atteste le Prophète : Mon cœur et ma chair ont exulté, comme s’il disait : il est si délectable, si savoureux ce service de Dieu, que non seulement l’esprit le goûte et en jouit, mais encore la chair, qui naturellement lui est rebelle et contraire. Que de fruit nous recueillerions de nos actions si nous pensions souvent à cela ! Comme nous nous sentirions fervents dans l’amour de Dieu si nous en faisions l’objet de notre méditation !