Sur Matthieu 25, 1-13

L’huile des vierges sages

Saint Bernard

Sermon sur la parabole évangélique des dix vierges, OC VII, p. 25s

 

Le Royaume des cieux est semblable à dix vierges que le roi du ciel introduira dans cet heureux séjour de sa couche nuptiale, si elles marchent à sa rencontre en tenant à la main des lampes allumées. Parmi elles, il y a cinq d’insensées et cinq de prévoyantes. Toutes sortirent au-devant de l’époux après avoir pris leurs lampes. D’où sortirent-elles ? Des richesses sans doute et de la vie séculière selon cette parole d’Isaïe (52,11) : Retirez-vous, sortez de ce lieu, ne touchez pas à ce qui est immonde. Elles sortirent avec des lampes, les reins ceints et tenant à la main des flambeaux, afin que le lien de la chasteté ceigne le corps, et que la lumière du bon exemple brille dans la conduite pour l’utilité du prochain et la gloire de Dieu le Père.

Les vierges sages prirent de l’huile dans leurs vases avec leurs lampes. Remarquez leur sagesse : elles savaient que la nuit se prolongerait : ne sachant à quelle heure l’Epoux arriverait, elles ne se contentent pas de l’huile que renfermaient leurs lampes, elles en prennent encore dans des vases, en sorte que, si par hasard, celle de leurs lampes venait à manquer, elles puissent les garnir de celle de leurs vases pour entretenir la lumière. L’huile dans la lampe, ce sont les bonnes œuvres dans leur éclat. Quand cet éclat brille aux yeux du prochain, quand on l’admire et le loue, souvent l’esprit de celui qui a fait ces bonnes œuvres s’enfle et s’élève ; tandis qu’il se glorifie en lui, et non dans le Seigneur, la lumière de sa lampe s’éteint : elle manque d’un aliment convenable, et, tout en brillant devant les hommes, elle n’est que ténèbres devant Dieu. Les vierges sages, outre l’huile qu’elles ont dans leurs lampes, en mettent dans des vases : c’est que les saintes âmes, en attendant l’arrivée de l’Epoux, lui crient chaque jour de loin, dans les désirs de leur cœur : Que ton Règne vienne. Outre les œuvres qui paraissent aux yeux du prochain pour la gloire de Dieu, elles en font d’autres dans le secret, où seul l’œil du Seigneur pénètre. Si, par accident, le souffle de la louange humaine vient à éteindre les actions brillantes et remarquables, l’huile du secret de la conscience supplée à leur défaut. Voilà la gloire de la fille du Roi qui vient du dedans, lorsqu’elle se glorifie plus de ce qui brille dans les vases de sa conscience que de ce qui éclate au dehors ; elle fait ses prières, elle répand des larmes en témoignage de son amour et s’entretient avec son bien-aimé par ses gémissements et ses soupirs. Telle est la gloire, la gloire intérieure et cachée de la fille du Roi. Cette huile, motif de sa confiance, les vierges sages la placent dans les vases secrets de leur conscience.