Sur Marc 13, 33-37

Veillez et priez

Bienheureux John Henry Newman

Etre chrétien, p. 201s

 

Soyez sur vos gardes, veillez et priez, car vous ne savez pas quand le Seigneur viendra. Notre Seigneur nous a donné cet avertissement quand il était sur le point de quitter ce monde, du moins de le quitter en ce qui concerne sa présence visible. Assurément, ce bienveillant avertissement devrait être toujours présent à notre pensée tant il est net, solennel, et sérieux. Le Christ a annoncé sa première venue, et pourtant il a pris son Eglise au dépourvu quand il est arrivé ; ce sera bien plus vrai quand il viendra soudain pour la deuxième fois et surprendra les gens ; il a laissé à notre vigilance le soin de garder la foi et l’amour.

Qu’est-ce que veiller dans l’attente du Christ ? Ce mot, veiller, employé d’abord par Notre Seigneur, ensuite par ses disciples, est un mot remarquable : remarquable, parce que l’idée n’est pas si évidente qu’il pourrait sembler à première vue, et ensuite parce que tous y insistent. Nous ne devons pas seulement croire, mais veiller ; pas seulement aimer, mais veiller ; pas seulement obéir, mais aimer. Mais veiller en vue de quoi ? De ce grand événement, la venue du Christ. Que nous considérions alors la signification évidente de ce mot, ou l’objet vers lequel il nous oriente, il nous semble y discerner un devoir particulier qui nous est enjoint, un devoir tel qu’il ne nous vient pas naturellement à l’esprit. La plupart d’entre nous ont une idée générale de ce que l’on entend par croire, craindre, aimer, obéir ; mais peut-être ne considérons-nous pas assez et ne comprenons-nous pas ce que l’on entend par veiller. Pour moi, c’est l’un des points principaux qui, en pratique, sépare les vrais et parfaits serviteurs de Dieu de la foule de ceux qui portent le nom de chrétiens : les vrais chrétiens veillent, les chrétiens inconséquents ne veillent pas. Mais qu’est-ce que le fait de veiller ?

Savez-vous ce que l’on ressent dans la vie courante lorsqu’on attend un ami, que l’on guette sa venue et qu’il tarde ? Savez-vous ce que c’est que d’avoir un ami à l’étranger, d’attendre de ses nouvelles et de se demander jour après jour ce qu’il fait maintenant et s’il va bien ? Veiller dans l’attente du Christ est un sentiment analogue à ceux-là, dans la mesure où les sentiments de ce monde peuvent nous donner une image  de ceux de l’autre. Il veille, dans l’attente du Christ, celui qui a un cœur sensible, ouvert et accueillant, qui est éveillé, vif et attentif, qui comprend vite les choses, qui se tient aux aguets, ardent à chercher le Christ et à l’honorer, qui attend dans tout ce qui arrive, et qui ne serait ni surpris, ni décontenancé, ni bouleversé, s’il était mis tout à coup devant le fait soudain de sa venue. Veiller, c’est être détaché du présent et vivre dans l’invisible, vivre dans la pensée du Christ tel qu’il est venu une fois et tel qu’il reviendra de nouveau.