Sur Isaïe 22, 8-23

L’investiture du nouveau gouverneur

 

Françoise Smyth-Florentin

« Qu’as-tu donc à monter sur les terrasses ? », AS 52, p. 5s

 

Ayant chassé Shebna de son poste, le jour même Dieu met à sa place un nouveau et légitime fonctionnaire : il lui donne ses insignes, la longue tunique, la ceinture, c’est-à-dire le vêtement sacerdotal. Et en serrant lui-même la ceinture, ce geste souligne le caractère solide, perpétuel, geste qui précède la remise du pouvoir, le transfert d’autorité : Il sera un père pour les habitants de Jérusalem et pour la maison de Juda.

La remise de la clé sur son épaule, voilà l’investiture qui joue le même rôle que le protocole royal au cœur des traditions d’institution royale : Je serai pour lui un père ; et il sera pour moi un fils… Ta maison et royauté subsisteront à jamais devant moi, ton trône sera affermi pour toujours. Cette fonction de maître du palais ressemble à celle d’un portier qui seul a autorité sur l’entrée et la sortie, c’est-à-dire sur la vie du palais et la conduite des autres fonctionnaires. C’est une image pastorale connue de l’Orient et que nous retrouvons jusque dans l’évangile de saint Jean : le vrai portier est celui qu’a institué le véritable propriétaire des brebis : tout est affaire de légitimité, de pouvoir autorisé qui peut alors s’exercer pour le bien de ceux qui lui sont soumis. Cette juridiction vraie ou bonne est un des termes de l’alliance avec la maison de David, une des garanties de sa solidité.

Le verset suivant souligne cela en employant un vocabulaire technique illisible hors du contexte de cette alliance particulière. L’image du clou ou du piquet enfoncé évoque la Sion royale, « tente que l’on ne démontera pas, dont on n’arrachera jamais les clous ». Quant au lieu affermi, à l’endroit solide, il est encore plus chargé de connotations théologiques. A peu près tous les textes liés à l’idéologie royale de Sion comportent une référence à la « maison affermie » de David. Je concluerai avec vous une alliance éternelle, les grâces affermies de David sur ta fidélité. Derrière les mots « affermies (grâces affermies) et éternelle (l’alliance éternelle) », il y a l’Amen du souverain investissant un fils de David au nom d’une alliance inconditionnelle qui le légitime.

Les rédacteurs des évangiles expriment souvent cette foi en la solidité, la fermeté de la justice du Dieu de l’Alliance. Lorsque Jésus et ses disciples déclarent inauguré le vrai Royaume, celui des Béatitudes et de l’Evangile annoncé aux pauvres, on sut qu’une communauté allait naître où la norme serait une justice nouvelle, plus solide, plus ferme que la mort, une communauté fondée sur l’Alliance en vue du pardon des péchés.