Sur Ezéchiel 47, 1-12

La source du Temple

Cardinal Jean Daniélou

Etudes d’exégèse judéo-chrétienne, p. 122s

 

Le texte d’Ezéchiel rassemble un certain nombre de thèmes : le premier est celui du rocher sur lequel Salomon fit construire le Saint des Saints du Temple de Jérusalem. C’est sur ce rocher qu’est construit le nouveau temple, la communauté elle-même qui, elle, sera fondée sur le roc de la Parole de Dieu. Dans le texte d’Ezéchiel, c’est de ce rocher, sous le seuil du Temple, du côté de l’Orient, que jaillissent les eaux.

La vision du prophète est ici celle du désert de Juda lequel devient un jardin planté d’arbres de vie : j’aperçus sur le bord du torrent des arbres en très grand nombre. Nous retrouvons le thème biblique du Paradis : le chapitre 2 de la Genèse nous décrivait le jardin d’Eden au centre duquel se trouvait l’arbre de vie qui était arrosé par une source d’eau vive. Par là était signifié le milieu vivifié par l’Esprit où l’homme était appelé à vivre. C’est ce Paradis qu’Ezéchiel nous montre réalisé à la fin des temps. Ce qui apparaît comme caractéristique de sa vision, c’est la coïncidence du Paradis et du rocher, du thème de la plantation et de celui de l’édifice.

Mais le texte d’Ezéchiel contient un autre thème qui paraît unique dans l’Ancien Testament : non seulement la source d’eaux vives suscite des arbres de vie dans le désert aride, mais elle suscite des vivants dans les eaux mortes : Ces eaux vives s’en vont dans le district oriental ; elles descendent dans la plaine et entrent dans la mer et les eaux en deviennent saines. Tout être vivant, qui se meut partout où entre ce double courant, vivra et le poisson sera très abondant.

On voit ici le parallélisme de cette vision et de celle des ossements desséchés. Dans cette dernière vision, il s’agissait de la puissance créatrice de Dieu, capable de revivifier des squelettes éparpillés. Ici, il s’agit à nouveau de la puissance créatrice de Dieu capable de susciter des paradis dans les déserts et des vivants dans les eaux mortes. De même que la vision des ossements nous rappelait le récit de la création de l’homme dans la Genèse, de même la vision de la source nous rappelle celle de l’introduction de l’homme dans le Paradis, dans cette même Genèse. Nous retrouvons toujours le radicalisme d’Ezéchiel qui remonte au-delà de David et du Temple, au-delà de Moïse et de la Pâque, au-delà d’Abraham et de l’Alliance jusqu’aux origines de l’Histoire Sainte, c’est-à-dire à Adam et à la création. Pour lui, il n’y a d’espérance que dans une initiative divine qui reprenne le geste originel de la création et recrée ce qui avait été une première fois créé.