sur Matthieu 10, 17-22

La charité parfaite

Saint Augustin

Traités sur l’épître de saint Jean, OC 10, p. 504s

 

Etienne aime véritablement son Seigneur. Quelle preuve va-t-il lui en donner ? Il ne peut rester étranger aux sentiments du psalmiste qui s’écriait : Que rendrai-je au Seigneur pour tous les biens dont il m’a comblé ? C’est le cri d’un cœur qui considérait la grandeur des bienfaits qu’il avait reçus de Dieu, et qui cherchait, sans pouvoir le trouver, le témoignage de reconnaissance qu’il offrirait à Dieu. Que pouvez-vous au Seigneur que vous n’ayez reçu de lui ? Qu’a donc trouvé Etienne pour témoigner sa reconnaissance au Seigneur ? Il n’a rien trouvé de mieux à lui offrir que ce qu’il avait reçu de lui. Je prendrai le calice du salut et j’invoquerai le nom du Seigneur. Qui lui avait en effet donné ce calice du salut, que celui-là même à qui il voulait l’offrir ? Or recevoir le calice du Seigneur, invoquer le nom du Seigneur, c’est avoir le cœur tellement plein et surabondant de charité, que non seulement vous n’ayez point de haine pour votre frère, mais que vous soyez même prêt à donner votre vie pour lui. La charité parfaite exige que vous soyez prêt à mourir pour votre frère. Voilà la charité dont le Seigneur lui-même vous donne l’exemple en sa personne, lui qui est mort pour tous les hommes, et qui adressait à Dieu cette prière pour ceux qui le crucifiait : Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. Mais supposez que lui seul est porté jusque-là l’héroïsme de la charité, il n’aurait pas été notre maître, s’il n‘avait eu des disciples. Ses disciples ont donc imité son exemple. Saint Etienne, lapidé par les Juifs, se met à genoux et dit : Seigneur, ne leur impute pas ce crime. Il aimait ses bourreaux parce qu’il mourait pour eux. Ecoutez l’apôtre Paul : Je me donnerai moi-même pour le salut de vos âmes. Il faisait partie de ceux pour qui Etienne priait lorsqu’il mourait sous la grêle de pierres dont ils l’accablaient. Voilà donc la charité dans toute sa perfection. Si quelqu’un aime ses frères jusqu’à être prêt à mourir pour eux, il a la charité parfaite. Mais aussitôt qu’elle naît dans un cœur, arrive-t-elle à ce degré de perfection ? Non, elle naît pour devenir parfaite ; aussitôt sa naissance, elle se développe, elle se fortifie, et arrive progressivement à la perfection. Or quel est son langage lorsqu’elle est parvenue au plus haut degré de la perfection ? Pour moi, vivre, c’est le Christ, et mourir m’est un gain. Mais si vivre ici-bas doit me permettre un travail fécond, je ne sais que choisir : J’ai le désir de m’en aller et d’être avec le christ, et c’est de beaucoup préférable, mais demeurer ici-bas est plus nécessaire à cause de vous. Il voulait vivre dans l’intérêt de ceux pour lesquels il était prêt à donner sa vie.