Jean 3, 14-21

Le combat invisible

Philoxène de Mabboug

Dans Père Placide Deseille, La fournaise de Babylone, p. 23s

 

            Sache et vois, toi qui t’exerces dans le désert du monastère qu’il y a dans le désert beaucoup de serpents qui mordent par une multitude de pensées. Si tu veux leur échapper, fais ce que faisaient les Israélites qui obéissaient à l’ordre du bienheureux Moïse : Quiconque était mordu par un serpent se tenait à l’entrée de sa tente et regardait le serpent d’airain que Moïse avait dressé sur le faîte de la montagne. Et quiconque accomplissait cet acte d’obéissance était guéri du venin des serpents. Toi aussi, lorsque tu te vois mordu par un des serpents, fixe le regard de ton intellect et regarde notre Seigneur Jésus-Christ suspendu à la Croix à cause de son obéissance, et tu seras guéri du venin des serpents spirituels injecté dans ton cœur.

            Comme le dit le bienheureux Apôtre, fixe les yeux sur Jésus, Lui qui, au lieu de la joie qu’Il avait, endura la croix et méprisa l’infamie, et Il est assis à la droite du trône de Dieu. Fixe les yeux sur Lui, écoute-le en peu de mots : quand tu es déshonoré, fixe les yeux sur Lui : Lui aussi a été déshonoré pour toi. Il a été traité de démon et de samaritain. Si donc on te méprise, si on se moque de toi, fixe les yeux sur le Sauveur : on le bafouait, on le giflait, on lui crachait au visage, on lui donnait à boire du vinaigre et du fiel, on le frappait sur la tête avec un roseau.

            Su tu es mordu par une pensée de vaine gloire, souviens-toi de la parole de notre Seigneur : Quand vous aurez fait tout ce qui vous est commandé, dites : Nous sommes des serviteurs inutiles, nous n‘avons fait que ce que nous devions faire.

            Si d’autre part tu es tenté de mépriser ton frère à cause de sa faiblesse, fixe les yeux sur Celui qui manifestait davantage sa sollicitude aux pécheurs, aux publicains et aux prostituées, pour les convertir à la pénitence et à sa connaissance, plutôt qu’aux justes qui n’avaient pas besoin de conversion. Et aussi, lorsque les passions naturelles et les démons t’accablent, fixe les yeux sur Lui, étendu sur la croix, les mains et les pieds fixés par les clous, la tête inclinée, la splendeur de son visage transformée par la pâleur de la mort. Médite donc sans cesse sur ces choses en ton  cœur, et le venin des serpents d’évanouira de ton cœur. Car, par son crucifiement, Jésus est plus proche de toi que le serpent d’airain ne l’était des Hébreux : Il habite ton cœur, et, dans les replis secrets de ton âme, resplendit la lumière de son visage glorieux.