Les Actes des Apôtres 7,44 – 8,3

Le persécuteur rapace

Saint Augustin

Sermon 279, n° 1, OC 18, p. 439s

       De persécuteur des chrétiens, l’Apôtre Paul devient le héraut du Christ. Le Christ a terrassé le persécuteur pour en faire un docteur de l’Eglise, le frappant pour le guérir, le tuant pour lui donner la vie. Le Christ fut tué par des loups, mais des loups il fait des agneaux. La fameuse prophétie où le patriarche Jacob bénit ses fils, posant ses mains sur les hommes présents autour de lui, mais voyant de loin les événements futurs, cette prophétie avait prédit ce qui s’est réalisé en Paul.

       Paul appartenait, comme lui-même l’atteste, à la tribu de Benjamin. Or Jacob, quand il bénit ses fils et en vint à Benjamin, dit de lui : Benjamin, loup rapace !, quoi donc ? Loup rapace pour toujours ? Loin de là ! Mais le matin, il ravit sa proie, et le soir il distribue la nourriture. Cette prophétie s’est accomplie en l’Apôtre Paul, parce que c’est de lui qu’elle parlait.

       Matin et soir veulent dire d’abord et plus tard. Comprenons donc ainsi : d’abord il ravit sa proie, et plus tard il distribue la nourriture. Regardez d’abord le ravisseur. Paul, disent les Actes des Apôtres, ayant reçu des lettres des responsables juifs qui l’autorisaient à emmener prisonniers tous ceux qu’ils trouveraient adepte du Christ, s’en allait ne respirant et n’exhalant que le meurtre. Voilà le loup qui ravit le matin. En effet, Etienne, premier martyr, fut lapidé pour le nom du Christ ; chacun sait que Paul était là, présent. Il assistait ceux qui jetaient des pierres, comme s’il ne lui suffisait pas de lapider de ses propres mains seulement ! Car afin d’être dans les mains de tous, il gardait leurs vêtements à tous, plus féroce en les aidant tous que s’il avait lapidé de ses propres mains. Rapace le matin, nous venons de l’entendre. Nous comprenons ainsi la première partie de la prophétie !

       Voyons maintenant la seconde partie, voyons comment le soir il distribue la nourriture. Du ciel, la voix du Christ le terrasse ; et d’en haut, on lui interdit de ne plus jamais persécuter. Il tombe la face contre terre. Il fallait le prostrer pour le relever, le frapper pour le guérir. Jésus Christ ne pouvait vivre en lui qu’après avoir fait mourir en lui la vie de péché qui avait précédé. Ses membres sont encore à terre que le Christ du ciel lui crie : Pourquoi me persécutes-tu ? Saul alors lui répond : Que veux-tu que je fasse ? Paul qui n’avait d’ardeur qu’à persécuter se dispose à obéir ! De persécuteur, Dieu en a fait un prédicateur. Il change le loup en brebis, l’ennemi en défenseur ; la lumière est soustraite au persécuteur, pour être rendue au prédicateur.