Jérémie 1, 4-10+17-19

Jean-Baptiste dans son temps

Père Jean Steinmann

Saint Jean-Baptiste et la spiritualité du désert, p. 174s

       Aux regards superficiels, Jean Baptiste pourrait sembler le témoin d’un stade primitif et vite dépassé de la prédication évangélique. Il eut la mission de rendre les cœurs et les oreilles disponibles au message de Jésus. Mais l’Evangile complètement et clairement proclamé ne rend-il pas historiquement caduque cette préparation ? Quoique l’Evangile soit intégralement proclamé, on est bien en droit de dire que la préparation nécessaire pour l’accueillir dure encore. Non seulement les progrès de la diffusion de l’Evangile nécessitent sans cesse une reprise de cette préparation, mais chaque chrétien doit recommencer pour son compte l’effort de recevoir la vérité de l’Evangile comme si elle était inédite. Jean est l’éternel introducteur à cet effort. Il joue dans le Christianisme le même rôle que l’Ancien Testament qu’il résume en sa personne, et que l’Eglise, selon la parole du Seigneur, a toujours considéré comme accompli par le Christ, mais non comme abrogé.

       Situé au seuil de la Nouvelle Alliance, Jean-Baptiste prédit et prépare l’avènement du Messie en recueillant la fleur de la piété juive et le meilleur de la théologie apocalyptique. Il sanctionne le rite baptismal qui permet l’entrée dans le Royaume.

       Son genre de vie tranche avec celui des Juifs ordinaires, saducéens, pharisiens, paysans des campagnes galiléennes ou citadins de Jérusalem, commerçants de la Diaspora ou intellectuels des écoles rabbiniques. Cet anachorète, aux confins du désert, frappe l’imagination des foules, inquiète les pouvoirs publics, et finit par le martyre.

       Avant bien des découvertes plus ou moins récentes, il paraissait un superbe isolé, le seul prophète véhément d’une époque qui ne connaissait plus que des agitateurs politiques, des collaborateurs intrigants, des casuistes  confis dans l’hypocrisie ou des spirituels composant des apocalypses dans le silence de leur cellule. Aujourd’hui, Jean-Baptiste reprend sa place comme le témoin d’un temps. Sa présence et sa prédication expliquent la réapparition ultérieure, dans l’Eglise chrétienne, d’un vaste mouvement ascétique et monacal qui naguère paraissait sans liens profonds avec l’Evangile.