Une créature de lumière

Sainte Elisabeth de la Trinité

Le ciel dans la foi, Œuvres complètes, Dixième jour, 1ère oraison, p. 123s

        Si tu savais le don de Dieu ! Il est une créature qui connut ce don de Dieu, qui n’en perdit pas une parcelle, mais une créature qui fut si pure, si lumineuse qu’elle semble être la lumière elle-même, un Miroir de Justice. Il est une créature dont la vie fut si simple, si perdue en Dieu que l’on ne peut presque rien en dire : c’est la Vierge fidèle, celle qui gardait toutes choses en son cœur. Elle se tenait si petite, si recueillie en face de Dieu dans le secret du Temple, qu’elle attira les complaisances de la Trinité.

       Parce ce qu’il a regardé la petitesse de sa servante, dit-elle, désormais toutes les générations me diront bienheureuse ! Le Père, se penchant vers cette créature si belle, si ignorante de sa beauté, voulut qu’elle soit, dans le temps, la Mère de Celui dont il est le Père, dans l’éternité. Alors l’Esprit d’amour qui préside à toutes les opérations de Dieu survint, la Vierge dit son Fiat : Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta Parole, et le plus grand des mystères fut accompli. Par la descente du Verbe en elle, Marie fut toujours la proie de Dieu.

       Il me semble que l’attitude de la Vierge durant les mois qui s’écoulèrent, entre l’Annonciation et la Nativité, est le modèle des âmes intérieures, des êtres que Dieu a choisis pour vivre au-dedans, au fond de l’abîme sans fond. Dans quelle paix, quel recueillement, Marie se rendait et se prêtait à toutes choses ! Comme ses actions les plus banales étaient divinisées par elle, car, à travers tout, la Vierge restait l’adorante du don de Dieu ; ce qui ne l’empêchait pas de se dépenser au-dehors quand il s’agissait d’exercer la charité ; l’Evangile nous le dit : Marie parcourut en toute diligence les montagnes de Judée pour se rendre auprès de sa cousine Elisabeth. Jamais la vision ineffable qu’elle contemplait en elle-même ne diminua sa charité extérieure. Car, dit un pieux auteur, si la contemplation s’en va vers la louange et vers l’éternité de son Seigneur, elle possède l’unité et ne la perdra pas. Qu’un ordre du ciel arrive, elle se retourne vers les hommes, compatit à toutes leurs nécessités, se penche vers toutes leurs misères ; il faut qu’elle pleure et qu’elle féconde. Elle éclaire comme le feu ; comme lui, elle brûle, absorbe et dévore, soulevant vers le ciel ce qu’elle a dévoré. Et quand elle a fait son action en bas, elle se soulève, et reprend, brûlante de son feu, le chemin de la hauteur.