Philippiens 4, 10-23

Reconnaissance de Paul pour les dons reçus

Saint Augustin

Les Confessions, XIII, 26, 40, p. 503s

       D’où vient donc ta joie, ô grand Paul ? D’où vient donc ta joie, d’où vient ta nourriture, homme renouvelé par la connaissance de Dieu selon l’image de Celui qui t’a créé ? Qu’est-ce donc qui te nourrit ? La joie ! Mais écoutons ce qui suit : Vous avez bien fait de prendre part à ma tribulation, vous les habitants de Philippe. Voilà d’où vient sa joie, voilà d’où vient sa nourriture : de ce qu’ils lui ont fait du bien. Ils sont revenus à ces bonnes œuvres, et Paul s’en réjouit ; ils ont produit de nouvelles pousses, et il en est heureux comme de la fertilité renaissante d’un champ.

       Est-ce bien à cause de l’aide reçue des Philippiens qu’il se réjouit ? Non, ce n’est pas à cause de cela. Et d’où le savons-nous ? De ce qu’il dit ensuite lui-même : Non que je recherche le don, je recherche le fruit.

       J’ai appris de toi, mon Dieu, à distinguer entre le don et le fruit. Le don est la chose même que donne celui qui fait part de ces choses nécessaires que sont, par exemple, l’argent, la nourriture, la boisson, le vêtement, le toit, l’aide. Mais le fruit est la volonté bonne et droite du donateur. En fait, le bon maître n’a pas dit seulement : Celui qui accueillera un prophète, mais il a ajouté : en qualité de prophète ; et il n’a pas dit seulement : Celui qui recevra un juste, mais il a ajouté : en qualité de juste. De cette façon, oui, celui-là recevra une récompense de prophète, celui-ci une récompense de juste.

       Il n’a pas dit simplement : Celui qui donnera un verre d’eau fraîche à boire à l’un de mes plus petits, mais il a ajouté : uniquement en qualité de disciple, et il poursuit ainsi : En vérité, je vous le dis, il ne perdra pas sa récompense.

       Le don, c’est d’accueillir le prophète, d’accueillir le juste, de tendre un verre d’eau fraîche au disciple. Mais le fruit, c’est de le faire en leur qualité de prophète, en leur qualité de juste, en leur qualité de disciple. Du fruit se nourrit Elie par la veuve qui savait qu’elle nourrissait un homme de Dieu, et qui le nourrissait à cause de cela. Mais par le corbeau il se nourrissait du don ; et ce n’était pas l’Elie intérieur, mais l’Elie extérieur qui se nourrissait, celui qui aurait pu dépérir faute d’une telle nourriture. Ce dont l’âme vraiment se nourrit, c’est ce dont elle se réjouit.