Proverbes 1, 1-7 + 20-33

Harangue aux insouciants

Père Jean Levêque

Les psaumes et les autres écrits, l’enseignement des sages, p. 118s

             Le titre du livre des Proverbes, les versets 1 à 4 du premier chapitre, s’applique probablement au livre tout entier, puisqu’il annonce des proverbes, or ces proverbes ne commencent qu’au début du chapitre 10 ! Ces premiers versets accumulent les termes techniques de la littérature sapientielle : sagesse, instruction ou pédagogie, intelligence, bon sens, attitude avisée, justice, droit, rectitude. Deux types d’auditeurs sont visés avant tout : le simple sans méfiance et sans défense, et le jeune homme. Eux les premiers ont besoin d’acquérir la sagacité, la science et la réflexion. Mais l’appel à la docilité des versets suivants vise déjà un public plus averti de sages et d’intelligents.

       Le verset 7 a valeur programmatique : La crainte du Seigneur est le début de la sagesse. La crainte de Dieu désigne ici, comme dans le Deutéronome, une attitude de profond respect qui se traduit par une obéissance aimante. Il n’y a donc pas de sagesse profane déconnectée de la foi, ni de discours séculier opposé aux affirmations théologiques. La relation à Dieu fait partie du réel de l’homme que le sage a mission d’explorer.

       Le poème ces versets 20 à 33 est un genre tout à fait nouveau : après une brève introduction, ce poème fait parler longuement Dame Sagesse, qui sera personnifiée plus loin. L’introduction campe la Sagesse clamant son message en pleine rue, sur les places, à l’entrée des portes. A la manière des prophètes, elle rejoint les hommes dans leur existence quotidienne, et surtout aux points les plus bruyants dans la ville, là où se déroule l’essentiel de la vie sociale. Mais le discours qu’elle tient reste typiquement sapientiel. Dans le corps du discours, la Sagesse, qui a conscience d’être à sa manière saisie par l’Esprit, invite sans ménagement les moqueurs et les insensés à tirer profit de sa réprimande. Suit l’accusation proprement dite : quatre expressions traduisent le refus auxquelles répondent quatre annonces du malheur et de la terreur. Le destin futur de ceux qui auront haï la science est décrit alors à la troisième personne : ils me chercheront et ne me trouveront pas, ils mangeront du fruit de leur conduite. Ici, le moi de Dame Sagesse commence à sortir de l’anonymat : repousser son conseil et sa réprimande, c’est faire fi de la crainte de Dieu. La relation de la Sagesse à Dieu n’est pas précisée, mais l’attitude du disciple vis-à-vis de la Sagesse est déjà un critère de sa fidélité à Dieu.

       Le discours se termine sur une généralisation en diptyque qui réaffirme la loi de la rétribution pour l’insensé et pour celui qui écoute.