Luc 1, 39-56

Marie et l’ange

Adrienne von Speyr

La servante du Seigneur, p. 31s

              La rencontre de Marie avec l’ange est comme la conclusion de toute sa vie de contemplation. C’est la première chose que nous apprenons d’elle. Nous ne savons pas qui elle est, et nous ne connaissons pas son passé. Mais en apprenant qu’elle aperçoit l’ange, nous découvrons en même temps toute la disposition de son âme. L’apparition de l’ange est l’accomplissement de sa prière, non qu’elle l’ait demandée ou qu’elle ait prié pour cela, qu’elle s’y soit préparée, mais parce qu’elle s’est tenue prête pour une mission qu’elle ne connaissait pas encore. Elle a vécu dans une attitude de prière, et, en vertu de cette vie, elle est capable, au moment voulu, de voir l’ange qui entre chez elle, et de lui obéir. Vision et obéissance découlent toutes deux, chez elle, de la même source ; l’ouverture à la mission que Dieu peut lui donner quand et comme il lui plaît. Son obéissance est le modèle de toute obéissance chrétienne ; celle-ci reçoit tout son sens de la vie de prière et de la connaissance de la volonté divine. Pour Marie toutefois, la volonté de Dieu n’a pas encore été révélée de façon déterminée. Elle attend toujours qu’elle se manifeste. Dans la prière, elle est prête à la recevoir, même si elle ignore ce qu’elle recevra. Elle connaît la parfaite indifférence ; et quiconque dans la chrétienté saura quelque chose du sens et de la portée de l’indifférence en sera avant tout redevable à la Mère.

       Voici donc l’ange qui entre chez elle. Elle le voit de ses propres yeux, sous la figure propre de son essence et à son apparition. Mais son regard ne s’arrête pas à l’ange ; en lui, et derrière lui, il embrasse le ciel tout entier et s’élève immédiatement vers Dieu. L’ange n’est pas, pour elle, un phénomène surnaturel confus, mais une figure nette, précise, qui est en même temps la manifestation claire et distincte de Dieu lui-même. En étant prête à obéir à la parole de l’ange, elle sait avec certitude qu’elle obéit à la voix de Dieu. Il n’y en en elle aucune hésitation, aucun arrêt ; elle n’a pas besoin de s’assurer, d’interroger quelqu’un ou d’attendre un conseil humain. L’apparition est pour elle un fait absolu, la réponse sans équivoque à sa foi. Toute sa prière antérieure tendait à cela, bien qu’elle n’eût, un instant plus tôt, encore aucune idée de ce qui allait lui arriver. L’apparition est la réponse déterminée à sa disponibilité encore indéterminée : et aussitôt elle la fixe dans cette détermination qui lui a été révélée comme la volonté de Dieu.