Judith 8, 9-36

Judith et les anciens

Père Jean Steinmann

Lecture de Judith, p. 76s

       Judith convoque dans sa cellule monacale Chabris et Charmis, deux anciens de la ville pour leur faire une verte semonce. Elle leur reproche avec virulence leur serment de livrer la ville dans cinq jours si aucun secours n’est venu la délivrer.

       Si Chabris et Charmis sont des hellénisants prêts à se vendre aux Séleucides faute d’une spectaculaire intervention divine, il est possible que cette première partie de la harangue de Judith s’adresse à tous les membres de leur parti, à tous ceux qui pensaient durant les deux derniers siècles qui précédèrent l’ère chrétienne que, Dieu se taisant, il restait à ses fidèles à négocier avec la civilisation grecque triomphante. Mais ce scepticisme qui poussait les hellénisants à la collaboration pouvait aussi bien animer leurs ennemis, les ultra-nationalistes. Eux aussi, fixaient un délai à Dieu, à l’expiration duquel ils prendraient les armes pour la révolte. Judith parle comme si elle se trouvait, non pas dans une ville assiégée dont les habitants meurent de soif, mais dans un pays, politiquement sous le protectorat de l’étranger, où la situation faite aux Juifs provoque l’impatience de ceux qui souhaitent leur assimilation aux vainqueurs, et de ceux qui rêvent d’un réveil national.

       Dans la seconde partie de sa harangue, la jeune veuve interprète le sens de l’épreuve actuelle subie par son peuple. Elle nie farouchement qu’il puisse s’agir d’une punition divine. La communauté d’Israël n’a pas péché. On n’y pratique plus d’idolâtrie. La vieille explication des invasions, donnée par les anciens Prophètes de la Monarchie, est dépassée par les événements. Dieu n’a pas à se venger de son peuple.

       En conséquence, on ne doit ni collaborer avec l’ennemi, ni lui céder. Ainsi le sort de Jérusalem est directement dans les mains des habitants de Béthulie. On doit faire front. Et la jeune femme montre éloquemment que Dieu lui-même se montre sans pitié pour tous les lâches.

Sa conclusion est un rappel au souvenir de Jacob, qui devait être particulièrement vénéré à Sichem où se trouvait le puits qui porte son nom. La vie du patriarche en Mésopotamie de Syrie fut difficile. Le siège actuel de Béthulie est un moyen trouvé par Dieu pour éprouver les cœurs.

On sait avec quelle politesse, teintée d’ironie et de scepticisme, Ozias, dont l’auteur avait négligé de signaler la présence de Chabris et Charmis dans la cellule de Judith, répond à la jeune veuve. Il n’est pas résolu à changer d’attitude. Alors Judith fait connaître sa décision de quitter la ville durant la nuit. Les trois vieux ne trouvent qu’à répondre que ce Shalôm, va en paix, que Judith lance aux portiers de Jérusalem.