Siracide 15, 11-20

Mystique de l’unité

Benoît XVI

Les Pères de l’Eglise, p. 18s

 

       Aucun Père de l’Eglise n’a exprimé avec l’intensité d’Ignace l’ardeur de son désir d’union au Christ et de vie en lui. Convergent en Ignace deux courants spirituels : celui de Paul tout tendu vers l’union au Christ, et celui de Jean centré sur la vie en lui. Ces deux courants débouchent à leur tour sur l’imitation du Christ qu’Ignace proclame souvent comme mon Dieu et notre Dieu. Ainsi Ignace supplie les chrétiens de Rome de ne pas mettre d’obstacles à son martyre, parce qu’il est impatient de rejoindre le Christ. Et il le leur explique : Il m’est bon de mourir en avançant vers le Christ, plutôt que de régner jusqu’aux limites de la terre. C’est lui que je cherche, lui qui est mort pour moi, c’est lui que je désire, lui qui est ressuscité pour nous. Laissez-moi être l’imitateur de la Passion de mon Dieu. On peut saisir dans ces brûlantes expressions d’amour le réalisme christologique marqué, typique de l’Eglise d’Antioche, plus que jamais attentif à l’incarnation du Fils de Dieu et à la réalité de son humanité concrète. Jésus-Christ, écrit Ignace aux habitants de Smyrne, est réellement de la souche de David, il est réellement né d’une vierge, il fut réellement cloué pour nous.

       L’irrésistible aspiration d’Ignace à l’union au Christ est le fondement d’une véritable et authentique mystique de l’unité. Il se décrit lui-même comme un homme à qui est confié le devoir de l’unité. Pour Ignace, l’unité est avant tout une prérogative de Dieu qui, existant en trois personnes, est Un dans une unité absolue. Il répète souvent que Dieu est unité, et qu’en Dieu seulement l’unité existe à l’état pur et originel. Celle que les chrétiens ont à réaliser sur cette terre n’est qu’une imitation la plus conforme possible à l’archétype divin. De cette façon, Ignace en arrive à élaborer une vision de l’Eglise qui rappelle de près certaines expressions de la Lettre aux Corinthiens de Clément de Rome. Et après avoir recommandé aux habitants de Smyrne de ne pas entreprendre quoi que ce soit qui regarde l’Eglise sans l’évêque, il confie à Polycarpe : J’offre ma vie pour ceux qui sont soumis à l’évêque, aux prêtres et aux diacres. Puis-je avec eux avoir part à Dieu. Travaillez ensemble les uns pour les autres, luttez ensemble, courez ensemble, souffrez ensemble, dormez et veillez ensemble comme des ministres de Dieu, ses assesseurs et ses serviteurs. Cherchez à plaire à celui pour lequel vous militez et de qui vous recevez la récompense. Que personne de vous ne soit jamais déserteur. Que votre baptême demeure comme votre bouclier, la foi comme votre casque, la charité comme une lance, la patience comme une armure.