Siracide 24, 1-22

La Sagesse et le Livre

Père Paul Beauchamp

Le récit, la Lettre et le Corps, p. 77s

 

       Après avoir longuement fait louer la Sagesse par elle-même, dans la lecture que nous venons d’entendre, Ben Sira l’interrompt et décode brusquement son discours : Tout cela, dit-il, est le Livre de l’Alliance du Très-Haut, la Loi promulguée par Moïse. La lettre du Livre et de la Loi est donc le lieu où la Sagesse passe ; elle est le Tout cela de la Sagesse.

       L’origine de Tout cela, dans le poème de Ben Sira, est l’origine de tout par excellence, c’est-à-dire de la bouche de Dieu d’où sort sa parole. C’est de cette bouche en effet que sortit la Sagesse avant la création, comme une buée qui couvrit la terre, qui parcourut tout. Mais elle cherchait dans les nations un point d’arrêt et un repos. Dieu le lui donna en Israël. La nuée-Sagesse, qui porte les traces de son passage à travers toutes les nations du monde et qui évoque aussi la nuée de la gloire posée sur la tente à chacune de ses étapes, change alors de nature et devient arbre, puis vigne, symbole d’Israël. Elle s’offre elle-même à manger comme le fruit qui suscite le désir. A ce passage précis du poème, l’auteur interrompt le flux onirique de ses images pour déclarer que tout cela est le Livre de l’Alliance du Très-Haut, la Loi promulguée par Moïse.

       Dans sa superposition de la Tente Sainte du désert et du Livre de l’Alliance, voulant répandre la Sagesse comme l’instruction de la Loi et de la parole prophétique, Ben Sira entend bien que cette Sagesse est la communication de la justice divine dans tout le volume du peuple. Il faut pour cela que la Sagesse du scribe soit sainte, mais il faut aussi que le scribe lui-même soit un vecteur universel apte à tout pénétrer, et qu’en lui s’efface, pour ainsi dire, ce qui sépare le prêtre porteur de la Loi et le prophète porteur de la parole. Or c’est un fait que le scribe est partout.