Judith 12,1 – 13,3

La libération par la main d’une femme

Joseph Auneau

Les Psaumes et les autres Ecrits, le livre de Judith, p. 376s

       Répondant à la même crise que les livres de Daniel et des Maccabées, le livre de Judith s’en distingue en faisant d’une femme l’agent humain de la libération du peuple. C’était renouer d’une certaine façon avec la tradition d’une Déborah ou d’une Yaël. L’auteur exploite la typologie de l’Exode, événement bien ancré dans la conscience de peuple par le texte lui-même bien connu de tous et par les relectures qui en ont été faites. Dieu a libéré son peuple par sa main, mais aussi par celle de Moïse. Ici il utilise la main de Judith. Le rapprochement n’est sans doute pas fortuit.

Ce thème de la main est très présent dans le livre de Judith : la main de Siméon est armée d’un glaive vengeur (9,2) ; à la main de Nabuchodonosor (2,12), va s’opposer la main de Judith : c’est par la main de Judith que le Seigneur visite son peuple (8,33), qu’il accomplit ses desseins (12,4), main d’une femme, main d’une veuve (9,9-10 ; 13,14-15). Judith prie le Seigneur de regarder les œuvres de ses mains. L’assurance d’Holopherne, entre nos mains sont la puissance, paraît bien dérisoire. On peut relever les emplois du mot « main » en bien des passages de l’Exode (14,8.16.21.26.27.30.31 et 15,6.9.17.20).

La libération d’Israël par la main de Judith est le triomphe de la force de Dieu dans la faiblesse humaine. Transformée en guerrière, parée de sa beauté, Judith parait désarmée devant le conquérant Holopherne. Mais l’impuissance est l’arme la plus puissante, quand Dieu est le secours de l’opprimé et le soutien du faible. C’est Lui, Dieu, l’acteur principal de la guerre sainte. Judith pourrait être comparée avec d’autres libératrices d’Israël, notamment Esther.

Le nom de Judith, la Juive, est probablement choisi à dessein. Rarement une femme aura été autant identifiée à la cause de son peuple. Elle est parfaitement consciente de l’enjeu de la résistance ; son œuvre n’a pas d’autre motif que l’exaltation de Jérusalem. La scène finale la montre entonnant le chant d’action de grâce au milieu de tout Israël, et, sa mission terminée, elle mène une existence paisible.