Siracide 42,15-25 + 43,27-33

« Il est le Tout ! »

Dom Hilaire Duesberg

Il est le Tout, BVC 54, 1963, p. 30s

 

       Face à la Création, qu’il ne fait qu’entrevoir, je n’en ai aperçu qu’une faible part (v. 32), Ben Sira reprend la mesure de son labeur : comment enfermer en un discours l’univers, son étendue, ses variétés multiformes ? Comment enclore le Créateur en une formule qui résume fidèlement le répertoire encyclopédique de la Bible ? Notre auteur a l’esprit pénétré des récits de la Création, des doxologies de Job et des Psalmistes, de l’enseignement doctrinal du second Isaïe. Quel signalement va-t-il donc donner à cet Etre qui échappe à toute classification ? Pour conclure, dit-il, Il est le Tout ! (v. 27). Dieu est la totalité du monde en ce sens qu’il en est l’unique explication, car l’existence des choses ne se justifie pas en elle-même, non plus que leur finalité. Toutes ces choses, jusqu’aux plus infimes, sortent de Dieu pour retourner à Lui, elles qui participent aux perfections de Celui qui les fit, Le Seigneur a tout fait (v. 33), et qu’en récompense, elles annoncent.

       Aussi parce qu’Il est ineffable, nous ne pouvons que Le louer (v. 28) par l’énumération de ce qu’il a déposé de trésors en son œuvre. Il serait oiseux de chercher à Le définir, car en quelle espèce le colloquer ? Il est plus grand que toutes ses œuvres (v. 28). Inégalable à rien comme à tout, hors série, les êtres ne l’atteignent que dans la mesure où il les tient sous sa mouvance qui est radicale, essentielle, car en dehors de son bon vouloir continu, permanent, dynamique, ils s’effondreraient dans le néant.

       Ben Sira poursuit : Qui l’a vu et pourrait en parler ? (v. 31). C’est le même défi que dans le Deutéronome : Vous n’avez vu aucune image le jour où Dieu vous a parlé, à l’Horeb, au milieu du feu ; cependant ils ont alors perçu le son de sa parole. Or entendre, c’est faire une expérience qui suscite des concepts visuels ; c’est ainsi que Job a vu Dieu qu’il appelait désespérément, Lui son Créateur, son défenseur. Comment l’a-t-il vu ? Par le tableau des secrets ressorts de la Création, sorte d’histoire naturelle que l’auteur divin étale avec complaisance. De Dieu, Job n’a perçu que les discours ; c’était assez pour qu’il y répondît par une adoration silencieuse. Après avoir exploré la partie de son grand œuvre que nos moyens nous rendent accessible, il ne nous reste que la louange pour exprimer ce que nous avons deviné de sa majesté : Nous ne ferons que Le louer, car nous ne pouvons Le définir (v. 28). Nous nous mettrons ainsi à l’unisson des gens pieux à qui Il a octroyé la sagesse (v. 33).