1 Maccabées 4, 36-59

« L’abomination de la désolation »

Christiane Saulnier

Histoire d’Israël, tome 3, p. 116s

       Le 15 kisleu (8 décembre) 167, le roi avait fait dresser l’abomination de la désolation sur l’autel des holocaustes. Cette expression empruntée au livre de Daniel ne veut rien dire par elle-même et représente sans doute une forme cachée du nom du dieu syrien Baal Shamin. On suppose qu’il s’agit d’un autel, superposé à l’ancien, destiné à recevoir des sacrifices païens ; les Juifs en outre étaient contraints de ne plus observer les sabbats, de manger des mets interdits et de ne pas faire circoncire leurs enfants. Par ailleurs, Antiochos IV avait ordonné de dédier le temple à Zeus Olympien, puis avait fait accomplir des sacrifices païens, et autorisé la prostitution sacrée ; la célébration des fêtes juives était supprimée et remplacée par des cérémonies en l’honneur de Dionysos.

       On peut reconnaître là un renvoi implicite à la prédication de Jérémie et à celle d’Ezéchiel ; cependant, si l’on reprend ces différents éléments, on comprend que le roi avait voulu transformer le temple de Jérusalem en sanctuaire grec. Il est dit en effet qu’Antiochos IV avait introduit le culte de Zeus Olympien, dieu éminent des grecs, Zeus représentant les valeurs attachées au pouvoir et à l’autorité, l’épithète d’Olympien signifiant ses prérogatives sur les autres divinités du panthéon grec et rappelant aussi son aspect lié aux phénomènes atmosphériques. En Syrie, Zeus avait été assimilé à Baal Shamin, dieu souverain, maître des orages et de la fécondité. Ces caractères pouvaient apparemment le rapprocher du Dieu juif qui, depuis l’époque perse, était désigné dans les textes juifs comme le Dieu Très-Haut, ou le Dieu des Cieux. Dans ces conditions, on peut admettre qu’Antiochos IV voulait introduire à Jérusalem une divinité syncrétique dans laquelle Juifs, Syriens et Grecs étaient susceptibles de reconnaître l’émanation du dieu souverain.

       La crise qui éclate en 167 apparaît alors comme le résultat de plusieurs facteurs hétérogènes : d’un côté le désir d’une faction juive de s’ouvrir à l’hellénisme, qui rencontre l’opposition des Hassidéens et dévoile les germes de division latents dans le judaïsme ; d’un autre côté, la volonté d’Antiochos IV de lutter contre les forces centrifuges qui minent son empire en prenant appui sur des partisans de l’hellénisme. Ce qui, du point de vue de l’historien, peut apparaître comme un accident imputable aux implications religieuses de l’action politique, a été interprété, dans les milieux juifs religieux, comme une persécution et une tentative d’extirper radicalement le judaïsme.