Marc 13, 24-32

Le vrai signe du Fils de l’homme

Pierre le Vénérable

L’esprit de Cluny, p. 83s

       Les forces célestes s’ébranleront. Alors apparaîtra dans le ciel le signe du Fils de l’homme. Que croyez-vous que ce soit ce signe du Fils de l’homme ? Serait-ce le Fils de l’homme en personne ? Non, car le signe ne s’identifie pas avec la réalité qu’il signifie. Autre est le signe, autre ce dont il est le signe. Le signe du Fils de l’homme ne peut être la substance même du Fils de l’homme. Alors ? Réfléchissez, cherchez, faites votre enquête. Quel signe aura donc assez de prix, assez de gloire, assez de splendeur pour être choisi comme étendard dans le Ciel, à ce moment où le Fils de l’homme lui-même descendra du Ciel en puissance et majesté ?

       Le vrai signe du Fils de l’homme, je vais vous le montrer : c’est ce qui, par excellence, proclame qu’il est fils d’homme. Mais qu’est-ce donc qui le proclame fils d’homme mieux que la mort, cette mort à laquelle nul fils d’homme n’échappe ? Or, cette mort, Jésus a voulu la souffrir sur la croix, c’est là que je voulais en venir. En mourant, tout fils de Dieu qu’il est, il nous a donné par la croix le signe qu’il est cependant fils d’homme. Puisqu’elle le signale comme vrai fils d’homme, la croix est vraiment le signe du Fils de l’homme. A cette parole de l’évangile fait écho le prophète évangélique, Isaïe, lorsqu’il dit : Le Seigneur lèvera son signe parmi les nations.

       La croix étincellera dans le ciel pour apprendre aux terriens qu’ils ne peuvent monter au Ciel, sinon par elle. Et cette croix qui leur prépare les honneurs angéliques n’aurait pas droit aux honneurs des hommes ? Elle n’aurait pas droit à la gloire des mortels, quand elle leur prépare la gloire immortelle ? Il n’y aurait pas lieu de la révérer comme vitale et salvatrice, elle qui donne  aux morts la vie bienheureuse, aux condamnés le salut éternel ? Oui, n’en déplaise à certains, elle est vitale parce qu’elle donne la vie, salvatrice parce qu’elle procure le salut, honorable parce qu’elle rend l’honneur, aimable parce qu’elle apporte l’amour, admirable parce qu’elle entraîne l’admiration, heureuse parce qu’elle cause le bonheur, noble parce qu’elle nous anoblit, bienheureuse parce qu’elle engendre la béatitude, glorieuse parce qu’elle conduit à la gloire éternelle.

       Il est donc prouvé, selon l’autorité la plus sûre et par une logique irréfutable, que la croix du Christ doit être honorée, louée, glorifiée par les chrétiens. Faut-il aller jusqu’à l’adorer ?