1 Corinthiens 1,8 – 2,5

La croix de saint André

Saint Bernard

Sermon pour la veille de la fête de saint André, OC 3, p. 473s

       Avec quelle allégresse la terre entière doit-elle célébrer une merveille si grande et si nouvelle, une œuvre si magnifique de la vertu divine ? André était un homme semblable à nous, mais il était dévoré d’une soif si ardente de la croix qu’il tressaillait d’une allégresse si inconnue jusqu’à ce jour, quand il l’aperçut de loin élevée pour lui, il s’écria : O Croix que j’appelle de tous mes vœux depuis si longtemps, et que je vois enfin sur le point de combler tous mes désirs, c’est le cœur plein de calme et de joie que je viens à toi, reçois-moi dans tes bras avec une allégresse semblable à la mienne. Vous voyez, il ne se possède même plus dans l’excès de son bonheur ! Est-ce donc un si grand bonheur que la croix elle-même doive tressaillir de joie, non pas d’une joie quelconque, mais d’une joie telle qu’elle en soit agitée tout entière ? Dira-t-on qu’il est moins extraordinaire, moins au-dessus de la raison et de la nature à la croix qu’au crucifié de tressaillir s’aise ? La nature a refusé à l’une tout sentiment de joie ; quant à l’autre, tout ce qui excède ses forces détruit tout ce qui est bonheur pour ne laisser subsister en lui que la douleur. J’ai toujours été ton amant, continue-t-il, et mon plus grand désir n’a cessé d’être dans tes bras. Frères, c’est un feu dévorant, non une langue d’homme qui parle ainsi, ou si c’en est une, c’est une langue de feu, un de ces tisons ardents du feu que le Seigneur avait envoyé du haut des cieux dans ses os. Plût à Dieu que ce fussent des charbons dévastateurs qui consument et brûlent toute affection charnelle en nous.

On peut bien dire, ô saint André, que ta foi est le grain de sénevé tant est inespérée la chaleur que produit ce grain dès qu’il commence à être broyé. André s’écrie d’une voix libre : Pour moi, si je redoutais le gibet de la croix, je ne prêcherai point la gloire de la croix. A peine avait-il aperçu le bois de la croix qui lui était préparée, qu’enflammé à cette vue, il l’applaudit avec enthousiasme, et lui parle comme à une bien-aimée : Salut, croix précieuse, toi qu’a consacré le corps du Christ, toi que ses membres ont ornée comme autant de pierres précieuses.

C’est à vous, frères, que je parle, Quiconque ne porte point sa croix, et ne me suit pas, ne peut-être mon disciple.