Daniel 12, 1-13

la pROphetie scellee

Père Jean Steinmann

Daniel, p. 153s

       L’ange qui parle à Daniel depuis le début du chapitre 10 ajoute que Michel, protecteur angélique du peuple juif, se dressera en vue d’une lutte surnaturelle. Le peuple sera délivré et le plus grand jugement de Dieu aura lieu. Il s’agit beaucoup moins de l’avènement du royaume politique des Asmonéens que de l’ouverture des temps messianiques, prodromes de la résurrection générale.

Cette fin magnifique de l’oracle est accompagnée d’une conclusion en prose que reprend le tableau primitif du bord du fleuve l’Oulà, et de l’apparition des deux anges debout, l’un sur une rive du fleuve, l’autre sur l’autre rive. L’un d’eux interroge l’homme vêtu de lin qui n’est autre que Gabriel : A quand le terme de ces prodiges ? Dans sa réponse, Gabriel reprend la promesse divine exprimée à la fin de l’oracle sur les quatre bêtes : la petite corne dominera les saints durant un temps, des temps et la moitié d’un temps, c’est-à-dire trois ans et demi. Cette révélation étant confirmée, Gabriel annonce à Daniel qu’il peut mourir en paix et lui promet qu’il ressuscitera. Une addition de deux versets donne, de nouveau, deux chiffres indiquant la durée de l’épreuve : les 1290jours, en comptant des mois de 30 jours, plus le mois supplémentaire d’Adar II, qui fut rajouté en 167 avant Jésus-Christ ; le second chiffre donne un jeu de 45 jours à l’accomplissement de la prophétie. Fut-il ajouté, au printemps 163, quand on attendait avec impatience la mort du tyran ?

Quand on relit d’une seul traite l’oracle de Daniel 11-12, on est frappé par le génie synthétique de l’auteur. Celui-ci compose son tableau en artiste consommé. De ce laps de temps qui va de la chute de la perse et celle d’Antiochos IV, il fait ressortir trois grandes figures : Alexandre le Grand, Antiochos III et Antiochos IV. Le pouvoir de chacun de ces rois  est caractérisé par un refrain identique : Il fera tout ce qu’il voudra. Mais ces despotes dont la nocivité allait en croissant ont été anéantis. Tandis qu’ils s’usaient les uns contre les autres, Dieu, toujours invisible,  voyait s’exécuter son plan. Et les anges Gabriel et Michel prévoyaient et préparaient activement la victoire du peuple des saints par la résurrection.

       Ainsi l’auteur ne fait pas seulement la théologie de l’Histoire, il développe une théologie des fins dernières et du royaume messianique céleste. La déification des élus est exprimée par la lumière divine, dont ils sont irradiés, lumière semblable à celle du firmament, c’est-à-dire des astres stellaires dans les apocalypses après avoir été ceux des dieux stellaires dans le paganisme babylonien.

       Ainsi l’oracle-sommet du Livre de Daniel sert-il de lien entre l’Ancien Testament et la doctrine eschatologique des Evangiles. Car jamais la nature du jugement de Dieu n’avait été si richement développée dans la Bible.