Ruth 4, 1-22

La double ascendance du Christ

Grégoire d’Elvire

Traité des livres des Saintes Ecritures

       Ruth la Moabite appartenait à une nation pécheresse, celle-là même que le bienheureux Moïse avait exclue de l’assemblée cultuelle, en disant : Moabites et Ammonites ne seront pas admis à l’assemblée du Seigneur jusqu’à la dixième génération. Booz, lui, était israélite ; c’était un homme juste, de la tribu de Juda ; il descendait des patriarches. Ce Booz prit pour femme, comme l’atteste l’Ecriture, Ruth la Moabite, alors que l’interdiction portée par Moïse était devenue périmée après la dixième génération.

       De cette union naquit Jobed ; de Jobed naquit Jessé ; de Jessé naquit David, et de David, en suivant la succession des générations, naquit sainte Marie, de laquelle le Christ prit chair. Le Christ tient donc, de la chair même de sa mère, une double origine : d’un côté, il appartient à la race pécheresse de Moab, puisque, selon l’Ecriture, Ruth fut la mère de Jobed ; mais, de l’autre côté, il est aussi de la lignée des patriarches, puisque le père de ce même Jobed était Booz, cet homme juste, issu de la famille d’Abraham, de la tribu de Juda.

       Isaïe l’avait bien annoncé : Un rameau sortira de la souche de Jessé, une fleur jaillira de ses racines. Ce Jessé est le père de David, et c’est de sa souche, c’est-à-dire de sa race, qu’est sorti un rameau, à savoir Marie, de qui une fleur, le Christ, a jailli.

       Voilà pourquoi le bienheureux Moïse, n’ignorant pas le mystère de la génération du Christ, avait prescrit de choisir l’agneau pascal, aussi bien parmi les petits des brebis que parmi ceux des chèvres. En effet, si le Christ avait pris un corps humain de la seule race d’Israël, dont les membres sont appelés brebis par la Loi du Seigneur, sans rien prendre aux nations pécheresses, comparées par la Loi aux boucs, les païens n’auraient pu croire au Christ, ni être sauvés. Car ils n’auraient pas eu les arrhes de leur chair dans le propre corps du Christ.

       Oui, vraiment, cet agneau pascal que l’on devait se procurer soit parmi les agneaux, soit parmi les chevreaux, seul le Christ a pu l’être en réalité.