1 Jean 1,1 – 2,3

« Aimons-nous les uns les autres puisque l’amour est de Dieu »

Cardinal John-Henry Newman

Sermons paroissiaux, tome 2 : L’Année Chrétienne, p. 55s

       Nous connaissons saint Jean l’Evangéliste principalement et familièrement comme le disciple que Jésus aimait. Il était l’un des trois ou quatre qui accompagnaient notre Seigneur, et qui avaient le privilège de sa conversation la plus intime ; et, plus favorisé que Pierre, Jacques et André, il était, selon l’expression commune, son ami intime. A la Cène solennelle, avant le supplice du Christ, il s’assit à son côté et appuya sa tête sur sa poitrine ; Pierre n’osa pas poser lui-même une question à Jésus, mais demanda à Jean de le faire : qui était celui qui le trahirait ? Ainsi saint Jean était-il l’ami privilégié et intime du Christ. De plus, ce fut à saint Jean que notre Seigneur confia sa mère, alors qu’il mourait sur la croix. Ce fut encore à saint Jean qu’après son départ, il révéla l’avenir de son Eglise.

       Il y aurait beaucoup à dire de cette remarquable circonstance. Je dis remarquable parce qu’on pourrait supposer que le Fils du Dieu Très-Haut n’aurait pas pu aimer un homme plus qu’un autre, ou encore, s’il en était ainsi, qu’il n’aurait pas eu seulement un ami, mais qu’étant entièrement saint, il aurait aimé tous les hommes plus ou moins à proportion de leur sainteté. Et cependant, nous apprenons que notre Seigneur avait un ami privilégié ; et cela nous montre tout d’abord à quel point il était homme, tout autant que chacun de nous, dans ses besoins et dans ses sentiments ; et de plus, il n’y a rien de contraire à l’esprit de l’Evangile, rien d’incompatible avec l’amour chrétien, dans le fait d’avoir nos affections dirigées vers ceux que les circonstances de notre vie passée ou quelque trait particulier de caractère nous ont rendus chers.

       Il y a des hommes avant nous pour supposer que l’amour chrétien était si amplement diffusé qu’il ne pouvait admettre d’être concentré sur un seul individu, de sorte que nous devrions aimer tous les hommes également. Et nombreux sont ceux qui, sans s’appuyer sur aucune théorie, dans leur pratique considèrent que l’amour de beaucoup est beaucoup plus élevé que l’amour d’une ou deux personnes. Ils négligent la charité dans leur vie privée, alors qu’ils s’engagent dans des entreprises de bienfaisance générale, ou qu’ils cherchent à réaliser l’union ou la conciliation entre chrétiens. Eh bien, en opposition à une telle conception de la charité chrétienne, je dirai ici, en m’appuyant sur l’exemple de notre Sauveur, que la meilleure préparation à l’amour du monde entier, un amour approprié et sage, est de cultiver l’amitié intime et l’affection de ceux qui nous touchent de près.