Luc 1, 39-45

Le cri de sainte elisabeth et son humble etonnement

Bossuet

Elévations sur les Mystères, 14ème semaine, 3ème élévation, p. 451s

       A la voix de Marie et à sa salutation, l’enfant tressailli dans son sein et, remplie du Saint-Esprit, elle s’écria. Ce grand cri de sainte Elisabeth marque tout ensemble et sa surprise et sa joie : Tu es bénie entre toutes les femmes et le fruit de ton sein est béni : celui que tu portes est celui en qui toutes les nations seront bénies ; il commence par toi à répandre sa bénédiction : D’où me vient que la Mère de mon Seigneur vienne à moi ? Les âmes que Dieu aborde, étonnées de sa présence inespérée, le premier mouvement qu’elles font est de s’éloigner en quelque sorte comme indignes de cette grâce. Retire-toi de moi, Seigneur, disait saint Pierre, parce que je suis un pécheur. Et le centenier : Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres dans ma maison. Dans un semblable sentiment, mais plus doux, Elisabeth, quoique consommée dans la vertu, ne laisse pas d’être surprise de se voir approchée par le Seigneur, d’une façon si admirable : D’où me vient que la Mère de mon Seigneur vienne à moi ! Elle sent que c’est le Seigneur qui vient lui-même, mais qui vient et qui agit par sa sainte Mère. A ta voix, dit-elle, l’enfant que je porte a tressailli dans mon sein. Il sent la présence du Maître, et commence à faire l’office de son précurseur : si ce n’est pas encore la voix, c’est par ce soudain tressaillement : la voix même ne lui manque pas, puisque c’est lui qui secrètement anime celle de sa mère. Jésus vient à lui par sa mère, et Jean le reconnaît par la sienne.

       Elisabeth, comme revenue de son étonnement, s’étend sur la louange de la sainte Vierge. Tu es heureuse d’avoir cru ; ce qui t’a été dit par le Seigneur s’accomplira. Tu as conçu vierge, tu enfanteras vierge : ton Fils remplira le trône de David et son règne n’aura point de fin.

       Croyons donc, et nous serons bienheureux comme Marie : croyons comme elle au règne de Jésus et aux promesses de Dieu. Disons avec foi : Que ton règne arrive. Crions avec tout le peuple : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, béni soit le règne de notre père David !

       La béatitude est attachée à la foi : Tu es bienheureuse d’avoir cru. Tu es bienheureux Simon, parce que ce n’est point la chair et le sang qui t’ont révélé la foi que tu dois annoncer, mais que c’est mon Père céleste. Et où est cette béatitude de la foi ? Bienheureuse d’avoir cru : ce qui t’a été dit s’accomplira. Tu as cru, tu verras : tu t’es fiée aux promesses, tu recevras les récompenses : tu as cherché Dieu par la foi, tu le trouveras par la jouissance.