Matthieu 2, 13-18

Roi de la terre, ou roi du ciel ?

Saint Augustin

Discours sur les psaumes I, psaume 47, p. 753s

       Car voilà que les rois de la terre se sont rassemblés. Voyez comme viennent ces flancs de l’Aquilon, voyez comme ils disent : Venez, allons à la montagne du Seigneur ; car il nous a fait connaître ses voies, afin que nous y marchions. Voilà que les rois de la terre se sont rassemblés, ils se sont réunis dans l’unité. Où donc se sont-ils réunis dans l’unité, sinon en celui qui est la pierre angulaire ? Eux-mêmes à cette vue ont été dans l’admiration. Après qu’ils ont admiré les miracles et la gloire du Christ, qu’est-il arrivé ? Ils ont été dans la stupéfaction, dans le trouble, saisis de crainte. D’où leur venait cette crainte, sinon du remords de leurs péchés ? Que les rois courent donc après ce roi, que les potentats le reconnaissent pour maître. Aussi est-il dit ailleurs : Pour moi, j’ai été établi roi dans Sion, sur la montagne sainte, pour prêcher la loi du Seigneur : le Seigneur m’a dit : Tu es mon fils, je t’ai engendré aujourd’hui. Demande et je te donnerai les nations pour héritage, ton domaine s’étendra jusqu’aux confins de la terre ; tu les gouverneras avec un sceptre de fer, tu les briseras comme vase d’argile ! Le roi établi dans Sion a été entendu, et il reçut en héritage les confins de la terre. Les rois ont-ils donc à redouter de perdre leur domination, de se la voir enlever, comme le craignit ce misérable Hérode, qui, pour tuer un petit enfant, en fit mourir tant d’autres ? Il craignait de perdre la royauté, et il ne mérita point de connaître le roi. Hélas ! Que n’adorait-il ce roi avec les mages ! La malheureuse passion de régner ne lui eût pas fait égorger tant d’innocents, pour mourir si coupable. Sa part, en effet, fut d’égorger des innocents, et le Christ nonobstant son jeune âge, couronna ces enfants qui mouraient pour lui. Il y avait donc de quoi trembler pour les rois, quand le Christ disait : Pour moi, j’ai été établi roi par lui, et celui qui m’a sacré roi me donnera pour héritage les confins de la terre. Pourquoi, ô rois, porter envie à ce roi ? Voyez-le, mais sans envie. Car il est bien différent des autres celui qui a dit : Mon royaume n’est pas de ce monde. Ne craignez donc point qu’il vous ôte un royaume temporel, il vous donnera au contraire un royaume, mais dans les cieux, dont il est le Roi.