Luc 2, 1-14

le verbe s’est fait chair

Dom Augustin Guillerand

Au seuil de l’abîme de Dieu, p. 53s

       L’Incarnation ne suffit pas, il faut l’habitation en nous. L’Incarnation nous offre le Verbe ; elle le met à notre disposition : elle nous permet de l’accueillir, elle nous donne le pouvoir de devenir enfants, elle ne nous constitue pas enfants. Nous devenons enfants si le Verbe devenu l’un de nous, homme comme nous, par l’Incarnation, entre en nous, en chacun de nous, y renouvelle pour chacun et en chacun cette Incarnation, s’empare de notre nature individuelle comme, par l’Incarnation en Marie, il s’est emparé de la nature humaine en général, y vit sa vie terrestre, en renouvelant plus ou moins toutes les étapes.

       Il ne le fait que si nous lui sommes un sein de mère entièrement livré à l’action de l’Esprit-Saint. De là, le rôle de la Vierge Marie et celui de l’Esprit-Saint, et aussi la place plus effacée de saint Joseph et des saints anges, dans une vie chrétienne.

       La Vierge doit être là pour nous aider à livrer notre corps à l’Esprit-Saint. Sans elle, il n’a jamais été dit : Qu’il me soit fait selon ta parole, et il ne sera jamais dit : Me voici, je suis à vous, à Dieu qui offre son Fils par son Esprit. Elle doit être là dans la préparation plus ou moins longue, souterraine et cachée, où l’Esprit enfante l’amour dans notre esprit pour se communiquer à partir de là à notre chair. Tout ce qui s’est fait en elle doit donc se faire en nous…, et par elle. Elle est mêlée et indispensablement à tous nos divins rapports. Elle est toujours Marie de qui naît Jésus.

L’action de l’Esprit qui se fait en nous, comme en elle, présente un mystère analogue : Il te couvrira de son ombre. Jésus s’incarne dans l’ombre, dans une ombre qui est le reflet même de la Lumière vraie. Le Saint Esprit ne peut pas se donner à une âme humaine dans sa clarté propre tant qu’elle est encore ici-bas. Car il est esprit pur, et l’âme est ensevelie dans un corps. L’ombre dont il s’enveloppe est une précaution de l’Amour ; il veut se communiquer et il ne peut le faire que dans cette ombre. Dans la manière, sa Lumière s’incarne ; l’ombre est le reflet de la Lumière dans la matière à travers laquelle elle se donne à nous.

Pour nous, cette ombre, c’est la foi ; la foi est la lumière de l’Esprit-Saint tamisée pour nous rejoindre. Elle se tamise en traversant l’écorce de notre corps et de nos sens ; elle s’adapte à notre esprit plongé dans la matière. La foi s’entoure elle-même de matière : ce sont les mots, les phrases, les Livres Saints, qui recouvrent la vérité et se l’approprient. Notre esprit la découvre sous ces voiles qui sont à sa mesure, il y découvre la Lumière vraie, le Verbe, et son Esprit d’amour qui se cache ainsi pour se donner.