Romains 6, 12-23

La grandeur de Dieu

Saint François de Sales

Traité de l’amour de Dieu, livre 2, chapitre 2, p. 43s

       En Dieu, il n’y a qu’une très simple et infinie perfection, et en cette perfection il n’y a qu’un seul très unique et très pur acte ; ainsi pour parler plus sagement et saintement, Dieu est une seule, très souveraine unique, et très uniquement souveraine perfection, et cette perfection est un seul acte très purement simple, et très simplement pur, par lequel n’étant autre chose que la propre essence divine, il est par conséquent toujours permanent et éternel. Et néanmoins, chétives créatures que nous sommes, nous parlons des actions de Dieu comme s’il en faisait tous les jours grande quantité et en grande variété, bien que sachions le contraire.

       Imaginons, je vous prie, d’un côté un peintre qui fait l’image de la naissance du Sauveur, il donnera sans doute mille et mille traits de pinceau, et mettra non seulement des jours, mais des semaines et des mois à façonner ce tableau, selon la variété des personnages, et autres choses qu’il y veut représenter. Mais d’autre côté, voyons un imprimeur d’images, qui, ayant mis sa feuille sur la planche taillée du même mystère de la Nativité, ne donnera qu’un seul coup de presse, et en ce seul coup, il fera tout son ouvrage, et soudain il tirera son image, laquelle, en belle taille douce, représentera très agréablement tout ce qui a dû être imaginé selon l’histoire sacrée. Et bien qu’il n’ait fait qu’un seul mouvement, son ouvrage toutefois portera grande quantité de personnages, et d’autres choses différentes bien distinguées, chacune en son ordre, en son rang, en son lieu, en sa distance et en sa proportion. Et qui ne saurait pas le secret, il serait tout étonné de voir sortir d’une seul acte une si grande variété d’effets.

       Ainsi la nature, comme le peintre, multiplie et diversifie ses actes à mesure que ses besognes sont différentes et il lui faut un grand temps pour faire de grands effets. Mais Dieu, comme l’imprimeur, a donné l’être à toute la diversité des créatures qui ont été, sont et seront, par un seul trait de sa toute-puissante volonté, tirant de son idée, comme de dessus une planche bien taillée, cette admirable différence de personnes et d’autres choses qui s’entre-suivent ès saisons, ès âges, ès siècles, chacune en son ordre, selon qu’elles doivent être.